Salaires minimum adéquats : où en est l’Europe ?

Publié le 4 mai 2021

Ces dernières décennies, le pourcentage de travailleurs européens exposés à la pauvreté n’a cessé de croître. Ainsi, ils représentaient 8,5 % de la main d’œuvre totale en 2017 et 9,4 % en 2018. Près de 70 % des travailleurs rémunérés au salaire minimal éprouvent des difficultés croissantes à joindre les deux bouts. 60 % de ces travailleurs sont des femmes. Et la crise sanitaire est venue accentuer les difficultés rencontrées par de nombreux travailleurs à bas salaire, tels que les aidants ou les professionnels de santé dans les établissements.

 

Dans ce contexte, Ursula von der Leyen s’est engagée à proposer un instrument juridique garantissant un salaire équitable aux travailleurs de l’Union européenne, un engagement qu’elle a réitéré lors de son discours sur l’état de l’Union en 2020. Le droit à un salaire minimal figure en outre dans le principe 6 du socle européen des droits sociaux dont les travaux se poursuivent actuellement dans l’objectif d’une mise en œuvre prochaine. A cet effet, une proposition de directive-cadre a été soumise aux partenaires sociaux.

« Ce que nous proposons, c’est un cadre concernant les salaires minimaux, dans le respect plein et entier des traditions nationales et de la liberté des partenaires sociaux. L’amélioration des conditions de vie et de travail protégera non seulement nos travailleurs, mais aussi les employeurs qui versent des salaires décents ; en outre, elle jettera les bases d’une reprise juste, inclusive et résiliente. »

Urusula Von Der Leyen
Présidente de la Commission Européenne

 

OBJECTIFS

La proposition de directive vise à faire en sorte que les travailleurs de l’Union soient protégés par des salaires minimaux adéquats leur permettant de vivre dignement quel que soit l’endroit où ils travaillent. Le dispositif doit permettre de réduire la pauvreté au travail, dans le contexte de la crise sanitaire et dans la perspective d’une reprise économique durable et inclusive.

Le texte propose un cadre permettant la promotion des conventions collectives en matière de salaires dans tous les Etats membres. Les États membres dans lesquels il existe des salaires minimaux légaux sont tenus de mettre en place les conditions permettant la fixation des salaires minimaux légaux à des niveaux adéquats, notamment en définissant des critères clairs et stables, en prévoyant des actualisations régulières et en garantissant la participation effective les partenaires sociaux.

La proposition contribuera à améliorer les conditions de vie et de travail dans l’Union en mettant l’accent sur les trois aspects suivants :

  • une meilleure adéquation des salaires minimaux légaux (lorsqu’ils existent) ;
  • la promotion des négociations collectives dans tous les États membres ;
  • une meilleure application des règles et un meilleur suivi pour tous les États membres.

 

LES AVANTAGES D’UN SALAIRE MINIMAL ADÉQUAT

Un tel dispositif permet :

  • la lutte contre la pauvreté au travail ;
  • la réduction des inégalités salariales ;
  • la diminution de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes ;
  • un renforcement de l’équité sur le marché du travail de l’UE ;
  • des conditions de travail équitables pour bâtir des économies résilientes ;
  • une protection des employeurs qui versent des salaires décents à leurs travailleurs ;
  • un investissement dans le capital humain stimulant pour la productivité.

 

RESPECT DES COMPÉTENCES NATIONALES

Tous les pays de l’Union européenne disposent d’un salaire minimum. 21 d’entre eux disposent d’un salaire minimum légal et dans 6 autres (Danemark, Italie, Chypre, Autriche, Finlande et Suède), la protection offerte par des salaires minimaux est assurée exclusivement au moyen de conventions collectives.

La proposition de directive offre un cadre relatif à des normes minimales. Elle respecte les compétences nationales et la liberté contractuelle des partenaires sociaux. Elle n’oblige pas les États membres à fixer des salaires minimaux par voie législative, ni ne fixe un niveau commun de salaire minimal.

Pour les états membres où il existe déjà un salaire minimum, comme aujourd’hui, l’objectif est donc :

  • la promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires ;
  • la présentation de rapports annuels par les États membres à la Commission, parallèlement à ce dialogue structuré.

Dans les états membres où un salaire minimal légal existe, le but est de :

  • définir des critères clairs et stables pour la fixation et l’actualisation des salaires minimaux légaux,
  • garantir une participation accrue des partenaires sociaux en vue de la fixation des salaires minimaux légaux ;
  • limiter le recours aux variations et aux retenues dans la fixation des salaires minimaux légaux.
Les directives de l'UE

La directive fait partie du droit dérivé de l’Union européenne. Elle donne des objectifs à atteindre par les pays (un cadre) avec un délai donné aux Etats membres pour sa transposition (adaptation de la nouvelle réglementation).

 

QUELQUES CHIFFRES

 

 

500 euros
  • Le salaire minimum est inférieur à 500 euros : en Bulgarie, en Lettonie, en Roumanie et en Hongrie 
500 - 1000 euros
  • Le salaire minimum est compris entre 500 et 1 000 euros : en Croatie, en République tchèque, en Slovaquie, en Estonie, en Lituanie, en Pologne, au Portugal, en Grèce, à Malte et en Slovénie ;
1500 - 2000 euros
  • Le salaire minimum est compris entre 1 500 et 2 000 euros : en Belgique, en Espagne, en Irlande, en France, aux Pays-Bas et en Allemagne ;
2000 euros
  • Le salaire minimum est supérieur à 2 000 euros : au Luxembourg.

L’AutricheChypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède ont des statuts particuliers avec des accords de branches prévoyant la fixation des salaires minimums par le biais de négociations avec les partenaires sociaux.

Source : Eurostat 1er semestre 2020

 

QU’EN PENSE LE COMITÉ DES VILLES ET DES RÉGIONS ?

Le comité des villes et des régions a accueilli favorablement cette proposition de directive pour des salaires minimums adéquats, respectant les législations nationales et le rôle des partenaires sociaux. Outre l’augmentation constante du pourcentage de travailleurs exposés au risque de pauvreté, le comité des villes et des régions a souligné les effets négatifs de la crise du Covid-19 sur les travailleurs dont les salaires sont les plus bas.

Pour le premier vice-président du comité des régions, la mise en place de salaires minimums adéquats dans l’Union européenne représente un nouveau cap pour éradiquer la pauvreté des travailleurs et la diminution de la pauvreté de manière plus générale.

Une étude menée par le comité européen des villes et des régions sur la dimension locale et régionale de la mise en œuvre d’un salaire minimal adéquat relève néanmoins que les déséquilibres entre les régions peuvent remettre en cause les bonnes intentions de cette politique.

Dans les grandes villes (les capitales par exemple), où le coût de la vie est élevé, un salaire minimal national ne garantit pas un revenu décent. Il en va de même pour les régions transfrontalières où des disparités importantes peuvent avoir des répercussions sur le marché du travail.

Le comité des villes et des régions suggère donc de mettre au point des évaluations au niveau régional du « salaire minimum vital » comme base des valeurs de référence. Le rôle clé des collectivités locales et régionales dans le suivi et la promotion des objectifs de la nouvelle directive est souligné.

 

LES PROCHAINES ÉTAPES

  • Adoption par le Parlement européen et le Conseil
  • Echanges autour de la directive lors du Sommet Social de Porto les 7 et 8 mai 2021
  • Délai de deux ans accordé aux Etats membres pour mettre en œuvre la directive

 

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