L’Unccas auditionnée par la mission d’information du Sénat sur les Ehpad

Bien-vieillir
Publié le 7 mars 2024

Le 29 février 2024, l’Unccas a été auditionnée par la mission d’information du Sénat concernant la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). L'objectif de cette audition était d'identifier les facteurs ayant conduit à la situation actuelle et de formuler des propositions visant à soutenir durablement le secteur. L’Unccas a souligné l’extrême urgence de refonder le modèle économique des Ehpad et leur rôle dans le dispositif national de prise en charge du vieillissement de la population.

Une crise économique et financière croissante des Ehpad publics

Au 31 décembre 2022, environ 60 % des Ehpad publics et 55 % de tous les Ehpad, statuts confondus, présentaient un déficit. Depuis 2021, la situation de ces établissements s’est fortement dégradée : non seulement la proportion d’Ehpad déficitaires a augmenté, mais l’ampleur des déficits s’est également aggravée. De nombreux établissements sont désormais confrontés à des difficultés de trésorerie à court terme.

Cette situation peut s’expliquer par une combinaison de causes conjoncturelles et structurelles :

  • les tensions de recrutement auxquelles sont confrontés les Ehpad, ayant une incidence sur les capacités et, par conséquent, sur le niveau d’activité des établissements ;
  • une perte de confiance du public consécutive à la crise de la Covid-19 et au "scandale Orpea ;
  • l’"effet ciseaux" entre la forte inflation des coûts (énergie, alimentation, hygiène) et la moindre évolution des tarifs.

Face à cette situation, un fonds exceptionnel d’urgence doté de 100 millions d’euros a été mis en place fin 2023 pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) en difficulté, quel que soit leur statut. La création de ce fonds s’est accompagnée de la mise en place dans chaque département, à partir de septembre 2023, d’une commission départementale de suivi des Ehpad et des services à domicile en difficultés financières.

Des défis multifactoriels pour les Ehpad : reconnaissance, ressources, et ratios

L’Unccas a constaté la dégradation de la situation économique et financière des Ehpad publics gérés par un CCAS/CIAS. Les résultats déficitaires nécessitent la mise en place de subventions d’équilibre depuis le budget principal du CCAS vers le budget annexe des Ehpad. Cela conduit à l’aggravation de l’"effet ciseaux" due à une hausse plus importante des dépenses que des recettes. Sur le volet dépenses, le principal facteur tient aux dépenses de personnel. S’agissant des recettes, les dotations soins et dépendance versées respectivement par l’Assurance maladie/agence régionale de santé (ARS) et par le conseil départemental n'ont pas progressé aussi vite que les dépenses.

Cette dégradation a un impact sur l’évolution du taux d’occupation. Une conjonction de deux facteurs principaux semble l’expliquer : l’augmentation du niveau de dépendance et une offre médicale insuffisante.

Les difficultés rencontrées par les Ehpad s’avèrent multifactorielles : manque de reconnaissance et de valorisation des métiers et des agents en Ehpad, manque de moyens dédiés aux Ehpad, recrutement de soignants, taux d’absentéisme élevé, taux d’accident du travail élevé…

Elles ont de multiples causes : la pénurie générale de soignants, l’exigence d’un concours pour les soignants dans la fonction publique territoriale, l’absence d’attractivité de la gériatrie, des conditions de travail trop lourdes…

En découlent des conséquences financières de deux ordres : une augmentation du coût de la masse salariale additionnée à des établissements publics étant leurs propres assureurs supportant le coût des arrêts maladie et des remplacements.

Le mécanisme actuel de fixation des tarifs des établissements habilités à l’aide sociale constitue également une forte rigidité caractérisée par son absence de plasticité, de par la fragilisation du modèle économique des Ehpad et de son inadéquation aux enjeux de justice sociale et d’accessibilité de la population aux services proposés en Ehpad.

Des perspectives d'avenir et des propositions concrètes

Les conseils départementaux, en tant qu’autorité de tarification pour les places habilitées à l’aide sociale, n’ont pas fait évoluer leurs tarifs proportionnellement à la hausse des dépenses constatées, tant pour piloter le reste à charge des familles que pour piloter leurs propres finances départementales.

En outre, le mécanisme de récupération de l’aide sociale à l'hébergement (ASH) sur les successions reste un obstacle important au recours à cette aide, contribuant à retarder l’entrée en établissement jusqu’à renoncer à cette forme de prise en charge de la dépendance.

L’Unccas s’est également étonnée de l’absence de ratios nationaux de prises en charge des résidents dans les Ehpad, à la différence de la petite enfance, du handicap, dans les accueil de loisirs sans hébergement (ALSH)…

Le taux d’encadrement s’avère aléatoire selon les départements et les ARS, sauf à la marge pour les médecins coordonnateurs, qui restent théoriques faute d'arriver à les recruter.

Sans augmentation du nombre de professionnels auprès des résidents, le hiatus s’accroît avec l’élévation du niveau de dépendance des personnes hébergées entrant de plus en plus tard en Ehpad et l’augmentation des accompagnements de fin de vie.

De plus, la prégnance des troubles cognitifs rend nécessaire une montée générale en compétence à travers des formations qualifiantes pour disposer de davantage d’ADP ou d’ASG en capacité de mieux appréhender les personnes atteintes de maladies neurodégénératives.

Similairement, la pénurie de médecins, qu’ils soient coordonnateurs ou médecins traitants, rend nécessaire la formation d’infirmiers en pratique avancée et l’évolution du métier d’infirmier.

En complément, le sujet de la mécanisation/automatisation de certaines tâches au sein des Ehpad n’est pas suffisamment traité ou abordé.

Le plan d’aide à l’investissement du Ségur de la santé dans le secteur médico-social n’a pas suffisamment priorisé les enjeux. Il a été pour parti reçu par le terrain comme une aide ponctuelle servant à reconnaître l’investissement des professionnels durant la crise sanitaire. Il n’a pas toujours pu être orienté pour agir de façon significative sur le cadre bâtimentaire, les conditions de travail, l’amélioration de la prise en charge des résidents. Une simple bouffée d’oxygène…

En conclusion, l’Unccas a préconisé une loi Autonomie, une loi Grand âge, peu importe le nom retenu mais une loi qui :

  • remette à plat le modèle économique des Ehpad, leur rôle dans le dispositif national de prise en charge du vieillissement de la population,
  • intègre le projet que la société française se propose de porter pour accompagner les aînés et la révolution de la longévité.

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