Le numérique solid’ère : levier de l’autonomie sociale

Bien-vieillir, Inclusion numérique
Yvelines (78)
Publié le 13 avril 2023 (Màj le 27 avril 2022)

A l'heure du tout dématérialisé et des progrès continuels des nouvelles technologies, la maîtrise et l’exploitation de l’information émergent comme des enjeux clés à une intégration sociale pleine. A cet égard, la question de l’inclusion numérique apparaît comme un élément consubstantiel à l’accès au droit et à l’information.
Cette action d’envergure, découlant des préconisations de l’Analyse des Besoins Sociaux (ABS 2018) du territoire de Saint-Germain-en-Laye, a pour ambition de traiter la question de l’inclusion numérique par un ensemble de leviers complémentaires. En effet, le diagnostic de terrain établi par le CCAS en 2019 a fait émerger les aspects multifactoriels des fractures numériques. Aussi dans cette perspective, cette problématique ne peut, selon nous, se traiter par une action seule mais par un ensemble d’actions mises en synergie pour favoriser l’appropriation et l’autonomie des habitants aux outils numériques.

Elements clés

Contexte

En 2018, le CCAS a réalisé son ABS avec un cabinet conseil et ce afin de définir les chantiers prioritaires à mettre en œuvre en matière de politique sociale. Les nombreuses rencontres avec les partenaires, dans le cadre de cette ABS, ont mis en lumière plusieurs thématiques sur lesquelles nous avions des alertes, mais a fait ressortir une thématique commune et urgente au regard du tout dématérialisé et de la volonté de l’ETAT du « 0 papier pour 2022 ».
Au travers de cette problématique, c’est la question de l’insertion et de l’accès égal au droit qui s’est posée.

En effet, les partenaires institutionnels et associatifs ont rencontré dès 2018 une vague de plus en plus importante d’administrés en difficulté face à des démarches qu’ils pouvaient jusqu’alors réaliser au guichet des administrations (CAF, sécurité sociale, pôle emploi) sans toutefois pouvoir y répondre de manière immédiate et sécurisée. Le personnel du CCAS (agents d’accueil et travailleurs sociaux) de son côté a partagé le même constat en essayant d’accompagner au mieux les publics en très grande difficulté.

Description

ÉTAT DES LIEUX ET MÉTHODE

L’enquête de terrain a permis d’une part de collecter des informations auxquelles l’étude documentaire préalable n’a pu répondre.

Étude de terrain partenaires

  • Cartographie des espaces « numériques » en libre accès ou en accès accompagné.
    Objectifs : repérer et référencer les espaces liés à la disposition des habitants pour la mise en place d’une carte interactive et compléter le guide « solidaire » de la Ville avec le volet numérique.
  • Enquête qualitative auprès des partenaires institutionnels et associatifs.
    Objectifs : établir un état des lieux sur les publics empêchés, des inégalités repérées, des besoins des populations….

Étude de terrain auprès des administrés

L’enquête par questionnaire a eu pour objectif de produire de la donnée statistique et de confirmer ou d’infirmer les intuitions de départ. L’intérêt principal de l’enquête par questionnaire est de rassembler une grande quantité d’informations factuelles.
Objectifs : - Établir les liens éventuels entre le CSP et l’accès/usage aux numériques ;

  • Recenser les pratiques par typologie de publics ;
  • Repérer les freins éventuels ;
  • Recenser les besoins éventuels ;

Quelques résultats de l’enquête par questionnaire (non exhaustifs)

Nous avons interrogé 177 personnes tous quartiers confondus.

  • Parmi nos sondés, 78 % détiennent au moins un ordinateur contre 81% au niveau national (Credoc) soit 4 points de moins. Ce chiffre peut notamment s’expliquer par la forte représentation de personnes âgées chez les enquêtés ;
  • Deux-tiers des interrogés ont recours à l’e-administration, il s’agit essentiellement de cadres supérieurs, les seniors et les 16/25 ans sont très éloignés de ce type de démarches ;
  • On constate également un effet de niveau d’étude, plus de huit diplômés du bac et de l’enseignement supérieur sur dix effectuent une démarche administrative sur internet contre 15% pour les personnes ayant un niveau primaire ;
  • Par ailleurs, le recours à l’e-administration baisse à 42% chez les plus de 66 ans ;
  • Manque de coordination entre les différents acteurs du numérique de la Ville ;
  • Manque d’espaces numériques en libre accès ;
  • Manque de visibilité des acteurs du numérique (qui fait quoi et où ?) ;
  • Un accompagnement des usagers incomplet, un transfert de charge important vers le tissu associatif et les services sociaux (CCAS et Département) ;
  • Une demande de formation « importante » à laquelle les deux centres sociaux ne peuvent pas répondre notamment sur les deux quartiers où la population est le plus éloignée du fait numérique ;
  • Des moyens matériels limités (salle inadaptée, nombre de postes.) ;
  • Une sous-exploitation des espaces de formation en dehors des jours de formation ;
  • Des professionnelles non formées à l’accompagnement numérique.

Rencontre de l’action sociale sur la thématique de l’inclusion numérique

Après avoir établi un diagnostic précis, nous avons souhaité partager les constats de cette étude avec l’ensemble des partenaires du territoire autour d’un événement organisé le 7 novembre 2019. Cet événement a réuni une cinquantaine de partenaires institutionnels et associatifs avec pour objectif de penser des actions concrètes pour améliorer ou développer l’accès au fait numérique aux publics éloignés. Cette journée s’est déroulée en deux temps. La matinée fut consacrée à une conférence sur les enjeux du numérique puis la direction de la Solidarité (CCAS) a présenté les résultats de son enquête de terrain ( cf. point III). L’après-midi était quant à elle dédiée aux hubs créatifs.

39 propositions ont émergé des groupes de travail, 5 propositions ont été retenues par chaque
groupe soit 15 actions.

A l’issue de cette rencontre et d’un travail de priorisation par la direction de la Solidarité et ce en lien avec la direction Générale et les élus de secteur, nous avons retenu 6 propositions qui s’articulent autour de deux « blocs ». Le premier concerne la relation à l’usager et le second l’accès à l’information numérique.

L’usager au cœur du numérique :
Action 1 > Mise en place d’un comité d’usagers
Action 2 > Mise en place d’une charte déontologique (usagers/aidants)
Action 3 > Formation des aidants numériques

L’accès à l’information numérique :
Action 4 > Création d’un espace numérique dédié aux démarches administratives
Action 5 > Création d’un poste de conseiller numérique
Action 6 > Mise en place d’un portail unique « citoyen »

Pour chaque action le CCAS a organisé des groupes de travail avec l’ensemble des partenaires du territoire (mission locale, pôle emploi, associations sociales, services transversaux) pour co-construire chaque action, l’idée était d’établir les objectifs opérationnels et de rendre viable, pérenne les actions sur la durée. C’est ainsi que le réseau des acteurs du numérique et le comité d’usagers numériques ont vu le jour. Ces deux instances sont complémentaires.

En résumé :

Cette démarche s’est articulée autour de 4 temps :

  • Une cartographie des lieux équipés en matériel numérique et de l’offre de formation ;
  • Une enquête qualitative auprès des services internes, des partenaires institutionnels et associatifs ;
  • Une enquête quantitative (par questionnaire) auprès des administrés ;
  • L’organisation des premières rencontres de l’action sociale autour de la question de l’inclusion numérique et pour faire émerger des actions concrètes et associer les partenaires du territoire sur le portage de ses actions.

Les objectifs de ce projet sont simples et à la fois très compliqués car il s’agit d’amener certaines populations à être autonomes face à des modalités de relations avec l’administration qu’ils n’ont pas choisie et auxquelles ils sont contraints. Ont découlé de ce travail des actions concrètes (réalisées ou en cours) :

  • Mise en place d’une charte de l’accompagnant numérique et création d’un mandat mis à disposition de l’ensemble des partenaires du territoire le tout en FALC (Facile À Lire et Comprendre) ;
  • Un comité d’usagers numériques qui a pour mission de travailler notamment sur les outils numériques de la Ville (site internet, application…) pour les rendre plus ergonomiques ;
  • Un réseau des acteurs du numérique qui a pour vocation de repenser notamment la formation aux outils numériques (coordination, formation des intervenants, mise en place d’outils communs, partage d’expériences…) ;
  • Formation des aidants, proposer des séances de découverte ou de perfectionnement des sites institutionnels pour une meilleure prise en main des sites et d’un accompagnement qualitatif ;
  • Mise en place de Facil’iti1, filtre permettant l’accès au site de la Ville aux personnes porteur d’handicap
    visuel notamment ;
    FACIL’iti est une solution d’accessibilité numérique innovante qui adapte l’affichage d’un site Web en fonction des besoins de confort visuel, moteur, cognitif, et/ou temporaire de l’internaute
  • Recrutement d’un conseiller numérique qui proposera dès février 2022 des permanences sur différents sites de la Ville mais aussi au sein des deux centres sociaux associatifs ;
  • Une carte interactive des « espaces numériques » sur le site de la Ville et actualisation du guide solidaire avec un encart dédié au numérique.

Moyens

Moyens humains : 

  • La directrice adjointe « chargée de projet : inclusion numérique »,
  • Un conseiller numérique chargé de l’accompagnement des administrés,
  • La directrice adjointe de la communication sur le co-portage de l’action « comité usagers numérique »,
  • La directrice du centre social l’AGASEC sur le co-portage « réseau des acteurs du numérique »,
  • La directrice du numérique sur le co-portage d’un portail unique « citoyen ».

Ce projet se base sur la synergie et l’expertise des partenaires dans un objectif partagé et commun. A l’heure où les associations et les services institutionnels souffrent d’un manque de moyen financier, l’efficience des moyens généraux et humains est un élément essentiel dans cette action.

Coût total du projet :

23 673 €

 

Les partenaires opérationnels :

  • Les centres sociaux la Soucoupe et l’Agasec pour les formations numériques et informatiques,
  • L’association Numérique pour tous pour le dépannage et la formation numérique,
  • Le Quai des possibles pour les formations numériques et informatiques,
  • Le Secteur d’action sociale du département pour la charte et le mandat numérique,
  • La direction de la Communication pour les outils numériques de la Ville,
  • La direction du Numérique pour le déploiement des espaces numériques et l’expertise informatique,
  • La direction des Affaires administratives pour le déploiement des espaces numériques,
  • Le service Senior de la Ville de Saint-Germain-en-Laye pour la formation des seniors,
  • Les associations d’insertion professionnelle pour les formations numériques et informatiques,
  • Les partenaires institutionnels pour les formations aux aidants/accompagnants sociaux.

Ils financent l'action :

  • La ville de Saint-Germain-en-Laye (valorisation de la masse salariale/ achat de matériel/ achat de la solution Facil’iti),
  • L’Etat pour le conseiller numérique (50 000€ sur un contrat projet de deux ans),
  • Le Conseil départemental via la conférence des financeurs (PRIF) et la mise à disposition de permanence de Destination multimédia.

Comme pour les moyens humains, il s’agit d’optimiser l’existant, de le coordonner pour rendre les actions plus efficientes et opérantes. Le CCAS recherche par ailleurs des partenariats privés.

L’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires a récompensé le CCAS de Saint-Germain-En-Laye dans le cadre des Prix organisés par l’UNCCAS, sur la thématique de l’inclusion numérique.

Bilan

Le projet à démarrer en juin 2019, a été perturbé par les confinements successifs, toutefois, les premières actions ont permis aux différents acteurs du numérique de se rencontrer et de créer un réseau. Cette interconnaissance a été favorable à l’orientation des administrés vers le bon interlocuteur et le bon service.

  • Une première permanence d’aide aux démarches dématérialisées a été mise en place en juillet 2020 jusqu’à l’arrivée du conseiller numérique avec le soutien du Conseil départemental. Cette permanence a répondu aux attentes de 92 personnes/ 38 créneaux de rendez-vous dans divers domaines (actualisation des prestations sociales, demande de logement via la plateforme gouvernementale, demande de rendez-vous préfecture…) ;
  • Des formations spécifiques ont été proposées en direction des seniors, celles-ci ont réuni 37 personnes dans les clubs seniors sur des thématiques aussi différentes ;
  • La charte et le mandat ont été réalisés et traduits en FALC, elle sera diffusée dans les prochaines semaines auprès de tous les partenaires (30 environs) souhaitant en bénéficier. Ces documents seront aussi utilisés par la direction de la Solidarité par les conseillères en économie sociale et familiale qui accompagnent les administrés dans leurs démarches sociales et bien évidement par le conseiller numérique dans le cadre de ses permanences dans les différentes structures de la Ville ;
  • Le comité usagers numériques a été lancé en octobre 2020 après un appel aux Saint-Germanois, nous avons tenté que celui-ci soit représentatif de la population en y intégrant toutes les populations seniors, jeunes, débutants ou spécialistes…il a été constitué de 9 personnes. Ces rencontres qui ont lieu tous les deux mois en moyenne ont permis de retravailler l’application mobile dans un premier temps puis l’ergonomie du site de la Ville. Une réflexion est en cours pour dynamiser et impliquer de manière plus importante les usagers ;
  • Le conseiller numérique est arrivé dans les effectifs le 15 novembre 2021, après une période de formation obligatoire, il prendra ses permanences à la mi-février 2022. Il recevra le public essentiellement sur RDV via nos relais de terrain. Il interviendra sur 7 structures différentes (centres sociaux, mairie, point justice...) pour être au plus proche des administrés et réduire la contrainte du déplacement et de la mobilité pour certains publics. Il pourra par ailleurs proposer des ateliers collectifs sur des thématiques plus ciblées (la sécurité des données, les réseaux sociaux, les arnaques en ligne…) ;
  • La formation des aidants, une première séance autour de la plateforme « impôt.gouv » avait été programmée avec le soutien du centre des finances publiques en avril 2020, une quinzaine d’associations et de travailleurs sociaux s’y étaient inscrits. Nous avons, malheureusement, dû annuler celle-ci suite au confinement décrété le 17 mars. Puis s’en est suivi une généralisation du télétravail de nos partenaires institutionnels et/ou fermeture des associations. Néanmoins au regard du fort intérêt des associations et des travailleurs sociaux pour ces séances nous programmerons quelques séances en 2022 si les conditions sanitaires le permettent.
  • Mise en place de la solution Facili’ti avec le concours des membres de la Commission Communale d’Accessibilité (CCA) qui se réunit mensuellement. Par ailleurs, un membre de cette CCA participe au comité des usagers numériques. En outre, la charte et le mandat pour les démarches dématérialisées ont été traduits par l’ESAT de Carrières-sur-Seine.
  • En partenariat avec les directions des affaires administratives (en charge notamment des accueils publics au centre administratif et à la mairie déléguée de Fourqueux ), une réflexion a été mise en place sur la création d’espaces numériques à disposition des administrés. Ces espaces seront équipés d’ordinateurs, d’une connexion internet, d’une imprimante et d’un scanner. Ces espaces seront notamment « animés » par le conseiller numériques lors de ses permanences ou seront en libre accès.

LES ACTIONS A VENIR :

1/ Formation des aides à domicile  : le service du maintien à domicile a recensé un besoin prégnant de personnes âgées isolées et en perte d’autonomie pour qui le numérique est un véritable frein à l’accomplissement de leur démarche. Aussi, des formations de base seront proposées courant de l’année 2022 aux aides à domicile volontaires pour accompagner les bénéficiaires demandeurs.

2/ Harmonisation de l’offre : l’objectif de cette action est de travailler sur un parcours numérique en concertation avec les structures proposant une offre de « formation » numérique.

3/ Développement d’atelier en direction de personne porteur d’handicap : il existe à ce jour une sous exploitation des espaces numériques sur la collectivité et des demandes notamment sur des publics spécifiques auquel aucune des structures du territoire répond à ce jour. Dans le cadre du comité usager numérique, nous avons répertorié un besoin de formation auprès notamment des personnes porteur d’handicap mentaux ou psychiques.

Observations

Au regard de l’expérience qui est la nôtre, voici les éléments qui nous semble essentiels :

  • Etude de terrain précise de l’offre, des pratiques, des usages et des besoins auxquels le territoire ne répond pas par type de population (jeunes/seniors…).
  • Connaître les freins de l’inclusion numérique (la langue, les équipements, les aspects cognitifs…).
  • Associer tous les partenaires associatifs et institutionnels pour partager les constats, mutualiser les forces vives du territoire notamment sur un ou des sujets communs et pour co-construire les actions.
  • Établir les éventuelles contraintes des partenaires pour intégrer le projet en organisant des « entretiens qualitatifs » individuels (ingérence, perte de pouvoir, moyens humains, manque de formation, méconnaissance de la problématique…).
  • Pérenniser la dynamique de groupe en informant, en communiquant régulièrement et en établissant des bilans intermédiaires.
  • Profiter des dispositifs existants pour donner de la consistance et compléter le projet et réduire les coûts.
  • Se doter si possible d’une chargée de mission ou d’un référent/coordinateur pour le suivi du projet.
  • S’armer de patience et de temps, le temps du projet n’est pas le temps du politique.

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