Cinq pistes pour revaloriser les métiers du vieillissement

Bien-vieillir
Publié le 1 février 2024

Une étude du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po consacrée aux métiers du vieillissement propose cinq pistes pour revaloriser ces métiers. Après un bref panorama des métiers du Grand âge, elle se penche sur le rôle joué par les politiques publiques.

Alors même que la crise de la Covid-19 est venue rendre encore plus évident le caractère essentiel des métiers du Grand âge, les acteurs du secteur sont toujours en attente de la loi Grand âge, sans cesse annoncée et repoussée. Cela est d'autant plus marqué par une succession de rapports institutionnels, ainsi que de recherches académiques alertant sur la faible qualité des emplois et du travail dans ce secteur, notamment en termes de faiblesse des rémunérations, de pénibilité et d’usure professionnelle.

Des métiers du Grand âge aux conditions d’emploi difficiles

    Près d'1 million

    de personnes prennent en charge les personnes en perte d’autonomie, personnes âgées et/ou en situation de handicap et relèvent de quatre métiers dont les aides-soignantes, les aides médico-psychologiques et les aides à domicile.

    Plus de 550.000

    salariées relèvent du champ de l’aide à domicile.

    Près de 400.000

    dans les structures d’hébergement médico-sociales, notamment les Ehpad

    Ces salariés du care se caractérisent par une moyenne d’âge plus élevée que celle de l’ensemble des salariés (âge moyen de 43 ans pour l’hébergement médico-social et plus de 47 ans dans l’aide à domicile). Ces métiers aux bas salaires sont souvent exercés en seconde partie de carrière et sont marqués par des pénibilités multiples tant physique que psycho-sociale.

    La faiblesse des salaires s’explique par la conjonction de salaires horaires faibles et de la généralisation du travail à temps partiel. La fragmentation des emplois du temps et la multiplicité des lieux d’exercice débouchent sur des amplitudes horaires très larges et une forte emprise du travail sur la vie des salariées, similaire à celles des emplois à temps plein.

    Dans ces métiers caractérisés par une sinistralité élevée, les pénibilités industrielles et tertiaires viennent se cumuler : ports de charges lourdes, nuisances chimiques dues aux produits d’entretien, gestes répétitifs, problèmes posturaux, relations complexes avec les usagers, injonctions parfois paradoxales des plans d’aide, besoins immédiats des personnes aidées et des demandes des familles... Le taux d’accidents du travail (65 par million d’heures dans l’aide à domicile) y est supérieur à celui de l’ensemble des salariés. Le recours au licenciement pour inaptitude est particulièrement fréquent.

    Ces métiers sont également victimes d’un déficit de reconnaissance sociale manifeste. Ils requièrent pourtant des compétences souvent sous-estimées, parfois assimilées à des tâches domestiques, alors qu'elles nécessitent en réalité des qualifications spécifiques. Une place ambiguë est laissée à la formation initiale et continue.

    Les difficultés rencontrées pour améliorer la reconnaissance de ces professions s’expliquent également par la multiplicité des métiers et plus encore celle des types d’employeurs (employeurs publics, employeurs privés non lucratifs, employeurs privés à but lucratif, sans parler de l’emploi direct pour l’aide à domicile).

    Des politiques publiques alimentant la perte du sens au travail

    Le constat d’une médiocre qualité de l’emploi dans le champ des métiers du care s’avère bien établi et régulièrement dénoncé par des rapports publics, dont le rapport de Myriam El Khomri en 2019. Néanmoins, ces emplois sont maintenus dans une trappe à précarité, pour l’essentiel par des politiques publiques nationales et départementales.

    Dans la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, un transfert des contraintes financières et des exigences d’économies et de rationalisation est à noter d’abord de l’Etat vers les conseils départementaux pour l’aide à domicile, ou vers l’agence régionale de santé (conjointement avec les conseils départementaux) pour les Ehpad, puis des autorités de tarification vers les organisations, et in fine sur le travail des salariées et le service rendu aux usagers, les personnes âgées.

    Depuis les années 1990, la forte croissance des besoins en matière d’aide face à la perte d’autonomie a lieu dans un contexte marqué par l’affirmation de contraintes budgétaires importantes. Les moyens alloués sont restés plus que limités, et les politiques engagées sont empreintes d’une logique de rationalisation de l’activité faisant dépendre celle-ci d’indicateurs chiffrés alimentant une perte de sens au travail.

    Concrètement, la nouvelle gestion publique marque l’avènement du chiffre dans le pilotage de l’action publique, caractéristique d’un régime de performance.

    La croissance des situations de burn out ou d’épuisement professionnel touche violemment les secteurs et activités du care. 33,5 % des salariés des secteurs de la santé et du médico-social déclarent travailler plus souvent sous pression qu’avant la crise sanitaire de la Covid-19 contre 23,5 % des autres salariés.

    Deux degrés de perte de sens sont mis en évidence :

    1. une perte de sens générée par l’impression de ne pas pouvoir faire ce qu’on pense nécessaire pour « bien » faire son travail par manque de temps et manque de personnels,
    2. et, le degré supérieur tenant à l’impression que ce qui est demandé, attendu des salariés, va à l’encontre de ce qui devrait être fait pour répondre aux besoins des personnes que l’on accompagne.

    Cinq pistes pour l’amélioration et la reconnaissance des métiers du vieillissement

    1. Réaffirmer l’ancrage des métiers du Grand âge dans le champ médico-social pour renouer avec les politiques engagées en 2002 par la loi de Modernisation de l’action sociale et mettre fin aux confusions entretenues par les politiques de soutien aux « services à la personne ».
    2. Affirmer le fait que ces activités relèvent d’une logique de service public impliquant l’encadrement très strict de la concurrence et des objectifs de lucrativité.
    3. Redéfinir la mesure et l’organisation des temps de travail : intégrer les temps de préparation, de récupération, de déplacement, de coopération au sein d’un collectif de travail, afin de garantir la qualité du service en même temps que la soutenabilité d’un emploi à temps plein offrant un salaire décent.
    4. Développer les ressources dont doivent disposer les salariées : des formations initiales et continues suffisantes, l’existence de fonctions support, non pas pour contrôler mais pour soutenir et équiper les intervenantes.
    5. (Re)créer une dimension collective pour des missions dont la difficulté et la dimension relationnelle nécessitent des temps de délibération au sein d’une communauté de travail.

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