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Un suivi insatisfaisant des recommandations du rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad

Un suivi insatisfaisant des recommandations du rapport sur les droits (...)

18 mois après les 64 recommandations de la Défenseure des droits dans son rapport « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) » , le bilan s’avère nuancé. Les inquiétudes de la Défenseure des droits sur le respect des droits et de la dignité de ces personnes vulnérables demeurent. Des réclamations individuelles à ce sujet lui parviennent toujours.

Un bilan nuancé

Depuis mai 2021, 281 nouvelles réclamations ont été reçues, dénonçant des atteintes aux droits, notamment au droit à une prise en charge et à un accompagnement adaptés. Plus de 46 % de ces saisines viennent alerter sur les entraves à la vie privée et à la liberté d’aller et venir des résidents.
Ces saisines confirment le caractère systémique du problème de maltraitance au sein des Ehpad. Elles révèlent une demande sociale forte pour faire respecter les droits et la dignité des aînés.

Les droits fondamentaux des résidents ne sont toujours pas respectés. Certaines recommandations n’ont fait l’objet d’aucune mesure effective, d’autres connaissent un début d’application laissant simplement entrevoir une perspective d’amélioration du sort des aînés.

5 actions capitales à mener

Définir un ratio minimal d’encadrement et améliorer l’attractivité des métiers du Grand âge

La Défenseure des droits souligne que le ratio minimal d’encadrement des résidents est toujours à définir alors même que le manque d’attractivité des métiers du secteur du grand âge perdure.
Le manque de moyens humains et financiers des établissements vient compromettre le droit à l’accompagnement individualisé et adapté. Certains soins, comme ceux relevant de la toilette, sont organisés dans une logique comptable pour réduire les effectifs du personnel.

La présence humaine est largement insuffisante pour une prise en charge respectueuse du résident, ce qui se traduit par des glissements de tâches. Le manque de moyens ne permet pas toujours aux professionnels d’accompagner les résidents comme ils le devraient et le souhaiteraient.

En vue de répondre aux besoins des résidents, la Défenseure des droits réitère sa recommandation de fixer un ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad en fonction du niveau d’autonomie et de soins requis des résidents, avec un objectif de norme d’encadrement de 8 équivalents temps plein (ETP) pour 10 résidents.

Une augmentation du nombre de membres de personnel permettrait une amélioration de la prise en charge des résidents et des conditions de travail des professionnels, et contribuerait également à redonner de l’attractivité à ces métiers.

La Défenseure des droits recommande le renforcement, en urgence, du plan d’action visant à favoriser l’emploi dans les domaines de la santé, du handicap et des personnes âgées. Selon elle, les droits et libertés des résidents ne peuvent pas être une variable d’ajustement face au manque de moyens et de personnel au sein des Ehpad.

Mettre un terme aux violations de la liberté d’aller et venir et rétablir le droit au maintien des liens familiaux des résidents

Pendant la crise sanitaire, diverses atteintes ont été portées à la liberté d’aller et venir des personnes accueillies en Ehpad. A ce titre, plusieurs recommandations ont été formulées :

  • adopter un cadre juridique spécifique garantissant le respect par les Ehpad du caractère nécessaire et proportionné des mesures prises dans le cadre d’une crise sanitaire et susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes accueillies ;
  • limiter le recours au droit souple pour toute mesure attentatoire aux droits et libertés des personnes accueillies.

Aucune de ces recommandations n’a été mise en œuvre.

La crise sanitaire liée à la Covid-19 continue d’entraîner des répercussions négatives sur les droits et libertés des résidents et de leurs proches. Les résidents continuent d’être victimes de discriminations, ne bénéficiant pas toujours de l’allègement général des mesures sanitaires.

Face aux réclamations portant encore sur des restrictions de visites, la Défenseure des droits rappelle que le droit de visite quotidien est essentiel pour les personnes accueillies en Ehpad.

Les personnes âgées accueillies en Ehpad ne peuvent souffrir de restrictions impératives à leurs droits fondamentaux plus importantes que le reste de la population sans base légale ni réglementaire. Les atteintes portées aux droits et libertés doivent être temporaires et encadrées, strictement limitées et proportionnées à l’objectif.

La Défenseure des droits appelle fermement à ce qu’il soit mis un terme, sans délai, à toute mesure violant les droits et libertés des personnes accueillies en Ehpad.

Mettre en place un dispositif de « vigilance médico-sociale » pour renforcer l’identification, le signalement et l’analyse des situations de maltraitance

En pratique, les professionnels se heurtent toujours à des difficultés pour signaler des actes de maltraitance.

La Défenseure des droits déplore qu’un outil de mesure fiable et partagé par l’ensemble des autorités de régulation et de contrôle, au niveau national, permettant d’évaluer, d’objectiver et de comparer les différentes situations de maltraitance, fasse encore défaut.

Elle demande qu’un dispositif de « vigilance médico-sociale » permette de :

  • améliorer le traitement global des situations de maltraitance identifiées ;
  • éviter la déperdition d’informations pour les acteurs concernés ;
  • encourager une culture partagée de vigilance ;
  • assurer un rôle de veille et de suivi sur les situations complexes pour mieux connaître les manifestations du phénomène sur le territoire et mieux les prévenir.

Clarifier et renforcer la politique nationale des contrôles

Concernant les inspections réalisées par les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux (CD), la Défenseure des droits rappelle qu’il n’existe toujours pas de référentiel commun comme base de contrôle. La durée de la procédure s’avère très longue et l’insuffisance de moyens humains au sein de ces entités pour effectuer les inspections requises reste un sujet préoccupant.

La pratique des contrôles conjoints, et leur suivi, reste pour l’instant hétérogène suivant les territoires, selon elle.

La mise en place de commissions mixtes (ARS/CD) de suites d’inspections et de contrôles est indispensable.

Pour repérer les situations de maltraitance, elle préconise également de procéder à des investigations approfondies sur place et de manière inopinée.

Restaurer la confiance des résidents et de leurs familles

Face à une prise en charge quotidienne de personnes âgées pouvant parfois entraîner des tensions entre les professionnels et les résidents ou leurs proches, la Défenseure des droits est toujours dans l’attente de la mise en place d’un dispositif effectif de médiation dans le secteur médico-social s’inspirant de la médiation en milieu sanitaire.

Elle se félicite, néanmoins, de la publication par la Haute Autorité de Santé (HAS), le 10 mars 2022, du premier référentiel national destiné à l’évaluation de la qualité dans les ESSMS.

La Défenseure des droits reste dans l’attente de la publication des dix indicateurs clés sur chaque fiche d’établissement. Elle préconise l’ajout d’un indicateur relatif au niveau de certification qualité de l’établissement délivré par la HAS.

Elle recommande également la mise en œuvre annuelle d’enquêtes de satisfaction fiables, intégrant des questions identiques à tous les Ehpad et portées à la connaissance du grand public.

En conclusion, 18 mois après la publication du rapport de la Défenseure des droits, la réponse des pouvoirs publics n’est pas à la hauteur des atteintes aux droits dénoncées. La prise de conscience tardive des pouvoirs publics doit maintenant déboucher sur une politique nationale ambitieuse permettant d’assurer une prise en charge respectueuse des droits et libertés fondamentaux des résidents des Ehpad et de leur dignité.

La Défenseure des droits appelle à changer notre regard sur les personnes âgées et leur vulnérabilité, ainsi que le rapport avec les aînés qui peuvent être marginalisés et déconsidérés.

Pour aller plus loin

Consultez la publication Suivi des recommandations du rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad

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