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Shh... Quand l’art sert le social

Shh... Quand l'art sert le social

Fruit d’un travail collectif mené par une travailleuse sociale et une personne en service civique, le documentaire Shh… offre des tranches de vie de cinq résidents de la pension de famille Tolbiac de Coallia, à Paris. Emouvant, drôle, empathique, une innovation sociale réussie et inspirante.

« Ce documentaire est le troisième volet de notre projet audiovisuel mis en place en 2015. Nous avons créé un atelier vidéo d’initiation et proposé des « cartes postales vidéo » à nos 25 résidents géographiquement séparés de leurs proches. L’objectif du projet était le développement d’actions d’accompagnement social favorisant les échanges, la communication, et la transmission, » explique Christelle Ouango, travailleuse sociale à la pension de famille Tolbiac et co-réalisatrice du documentaire. Mais, également l’acquisition de compétences pour deux d’entre eux.

Familiarisée à la réalisation pour avoir suivi une courte formation, la jeune femme s’est associée à Bérénice Roubaud, étudiante à l’école de Bock et maintenant en master cinéma à Nanterre. A 23 ans, elle avait déjà tourné des films scénarisés, mais jamais de documentaire. « A ce moment, ce projet correspondait à mes attentes personnelles en tant que réalisatrice : conjuguer l’art et un regard humain sur une problématique sociétale, » raconte Bérénice. Elle a mené de front études et services civique pendant 9 mois, un véritable engagement.

Un parti pris esthétique

Pas de pathos dans Shh…. Pas d’amateurisme non plus. C’est une œuvre de création, écrite, réalisée et tournée par les deux jeunes femmes, avec l’aide de deux pensionnaires derrière la caméra (opérateur et travelling). La post production a été assurée bénévolement par des professionnels l’audiovisuel.

Plus de 150 heures de rush ont donné naissance à 50 minutesd’un documentaire en noir et blanc, très esthétique et original dans sa mise en scène. Cinq pensionnaires racontent, se racontent. Dans leur logement, sans tabou, sans mise en scène, avec naturel. Souvenirs d’enfance, de leur vie professionnelle, de leur passion ou de la vie. Un voyage émouvant, voire philosophique lorsqu’un des protagonistes lâche : « notre pauvreté c’est notre richesse en Afrique. Si vous avez tout ce que vous voulez et pas de gens autour de vous, c’est zéro ».

« Les résidents se sont exprimés librement. Nous les avons longuement interrogés sur leur volonté de participer à un tel projet car in fine le tournage dépasse la sphère de l’action sociale, » explique Christelle Ouango.

En tant que spectateur, ce documentaire est réjouissant. Mais, pour les protagonistes, son impact va bien au-delà. Le recueil des récits a stimulé l’estime de soi grâce à un travail préalable de valorisation des individualités, du vécu, du parcours. L’expression face caméra était libre, la communication étant ainsi stimulée tout comme le besoin d’échange, de partage et de transmission.

En amont

Il va de soi que les deux autres phases du projet audio-visuel ont suivi un axe identique, avec la caméra professionnelle comme « média-outil ».

L’atelier initiation aux techniques audio-visuelles reposait sur « une pédagogie active » avec « trois jours de formation intensive afin d’acquérir les bases théoriques, techniques et pratiques nécessaires à la construction d’un film documentaire. En 2015, deux participants ont bénéficié de trois ateliers de perfectionnement. « Ils ont intégré l’équipe de tournage, » précise Christelle Ouango. « L’un d’eux a ensuite filmé les vacances organisées par la pension de famille à Marseille l’été dernier, » renchérit Mokhtaria Ressous, la seconde travailleuse sociale, véritable cheville ouvrière du projet.

Les vidéos postales ont également été proposées aux résidents géographiquement séparés de leurs proches, parfois dans leur langue maternelle. D’une durée maximale de 30 mn, la communication a été ensuite exportée sur DVD et remise au bénéficiaire, libre de le faire parvenir à la personne de son choix. « La consolidation des liens intra-familiaux participe sensiblement à l’épanouissement psycho-social des résidents et au processus de rupture de leur isolement ».

Et la suite ? Le documentaire va être proposé dans plusieurs festivals et les vacances de 2016 seront à nouveau filmées.

La pension familiale Tolbiac de Coallia en chiffres :

  • 25 résidents, dont 68% ont plus de 60 ans.
  • Nationalités : malienne (28%), française (24%), marocaine (12%), algérienne, cambodgienne, italienne
  • Les ressources : retraités (60%), bénéficiaires du RSA (12%), bénéficiaires de l’AAH/pension d’invalidité (20%), salariés en AT (8%)
  • Niveau de vie : 72 % en dessous du seuil de pauvreté

Pour aller plus loin

Les pensions de familles sont rattachées à la catégorie juridique des résidences sociales, avec la particularité de s’inscrire dans une logique de logement pérenne.

La circulaire DGAS/SDA n°2002-595 du 10 novembre 2002 en définit le cahier des charges et constitue le cadre réglementaire de référence concernant le fonctionnement et les objectifs d’une pension de famille.
Les pensions de famille proposent un habitat semi-collectif de petite taille qui associe la jouissance de logements privatifs à des espaces communs permettant les échanges et les moments de convivialité. Les objectifs de la pension de famille sont de favoriser l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et l’intégration sociale de ses résidents. Un accompagnement spécifique est assuré par des travailleurs sociaux attachés à la structure.

Elles s’adressent à un public en grande difficulté : disposant de faibles revenus, souffrant de l’isolement social, dont la situation sociale, personnelle et/ou psychologique rend difficile la vie en logement autonome sans accompagnement, étant dans l’incapacité d’accéder à un logement de droit commun.

Contact : christelle.ouango@coallia.org

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