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Prévention de la perte d’autonomie : les propositions du rapport de Bernard Bonne et Michelle Meunier

Prévention de la perte d'autonomie : les propositions du rapport de (...)

En charge d’une mission d’information sur la prévention de la perte d’autonomie, les sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier ont remis un rapport dressant, à partir des nombreux travaux disponibles et d’auditions menées auprès d’un grand nombre d’acteurs dont l’Unccas, un rapide état des lieux des connaissances. Constatant des progrès récents des dispositifs d’accompagnement de la vieillesse en bonne santé, ils proposent quelques grandes orientations pour une politique de prévention de la perte d’autonomie plus efficace et plus ambitieuse.

Face à la difficulté de définir la prévention de la perte d’autonomie, les deux sénateurs rappellent qu’une bonne politique de prévention a pour objectif de permettre au plus grand nombre de vieillir le mieux possible dans son environnement et selon ses souhaits.

D’après une étude récente publiée par l’Insee , en cas de poursuite des tendances démographiques récentes, la France comptera 76,4 millions d’habitants en 2070, soit 9,4 millions de plus qu’en 2020. L’essentiel de cette hausse proviendra de l’augmentation du nombre personnes âgées de 65 ans ou plus, qui seront 8,2 millions de plus qu’aujourd’hui, soit un total de près de 22 millions de personnes en 2070. Sachant que l’avancée en âge augmente le risque de perte d’autonomie, l’enjeu financier de la prévention apparaît criant pour les auteurs du rapport. Or, selon ces derniers, les politiques publiques et les actions mises en place ne sont pas à la hauteur aujourd’hui...

Un ensemble d’actions insuffisamment coordonnées

Pour Bernard Bonne et Michelle Meunier, les dispositifs de prévention de la perte d’autonomie s’avèrent insuffisamment coordonnés et manquent d’ambition. La part occupée par l’action sociale dans le budget de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ne cesse de diminuer depuis vingt ans. Et la part occupée par l’adaptation des logements dans le budget de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) diminue depuis cinq ans au profit des aides à la rénovation énergétique. Il manque à ces actions l’ampleur qu’appellent les projections démographiques précitées.

Se penchant sur le rôle important des collectivités territoriales en matière de prévention de la perte d’autonomie, le rapport souligne que de nombreuses communes mettent en place des actions de soutien aux personnes âgées, domaine de l’action sociale dans lequel les communes s’investissent le plus. A près de 70 %, l’action est massivement portée par les CCAS plutôt que par les services communaux.

Les collectivités territoriales ont également une importante responsabilité dans l’accessibilité de l’environnement urbain et l’identification des besoins.

Une politique trop peu ambitieuse et trop peu structurée

Les sénateurs pointent un investissement encore insuffisant au regard des besoins, et essentiellement porté par la Sécurité sociale.

Selon le rapport d’évaluation des politiques de Sécurité sociale pour la branche autonomie annexé en PLFSS pour 2021, en 2019, les dépenses de prévention de la fragilité des personnes âgées se sont élevées à 1,3 milliard d’euros, dépenses assumées aux deux tiers par la Sécurité sociale, dont 38 % pour l’action sociale des Caisses de retraite et 28 % pour l’Assurance maladie, pour les résidents en Ehpad et bénéficiaires de Ssiad classés en GIR 5 et 6. 17 % de la dépense est assuré par la CNSA, principalement à travers le versement du forfait autonomie en résidence autonomie et le financement d’actions de prévention via la Conférence des financeurs. L’action sociale extralégale des collectivités territoriales, majoritairement mise en œuvre par les communes, n’est pas incluse dans ce périmètre.

En dépit du souhait d’amélioration du volet préventif de l’action publique transparaissant dans les travaux relatifs à la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie créant une cinquième branche de sécurité sociale relative à l’autonomie, dont la gestion a été confiée à la CNSA, peu d’indicateurs d’objectifs et de résultats de ce volet autonomie ressortissent directement à la prévention de la dépendance. Pour donner à la branche les moyens de piloter la politique de prévention de la perte d’autonomie, il conviendra, selon les parlementaires, de mettre en adéquation les objectifs et indicateurs qui lui sont fixés, et les moyens d’action dont elle dispose.

Le rapport souligne également que le manque de coordination des acteurs se fait le plus criant dans la politique d’adaptation des logements. Aussi, depuis le printemps 2020, la DHUP cherche-t-elle à articuler ces différents dispositifs.

Les rapporteurs reviennent également sur les tentatives de coordination encore inabouties, que sont la démarche du Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa) et celle de la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie (Cfppa).

Les propositions des sénateurs pour rendre les préventions secondaire et tertiaire plus efficaces

Mieux structurer les actions existantes

Améliorer les outils de diagnostic :

  • A court terme, confier à la CNSA, dans un délai restreint, le chantier d’unification des outils d’évaluation
  • A moyen terme, confier à la CNSA la conception d’une prestation universelle d’autonomie sans barrière d’âge
  • Donner accès au DMP aux médecins du travail et accélérer le déploiement de leur utilisation
  • Systématiser des visites à domicile autour de 75 ans, afin de réaliser un bilan complet de la personne
  • Donner aux ergothérapeutes la possibilité de prescrire des aides techniques
  • Lancer un plan massif de recrutement d’ergothérapeutes
  • Mieux associer les kinésithérapeutes à la politique de prévention, en créant des pratiques avancées en gérontologie ou en créant un statut de kinésithérapeute coordonnateur en établissement

Fluidifier les prises en charge :

  • Simplifier radicalement la démarche de l’usager ayant besoin d’une adaptation de son logement en lui donnant accès à des services unifiés d’information sur les solutions existantes, d’instruction de son dossier et d’accompagnement dans la réalisation de ses travaux, sous la houlette du département
  • Mettre en œuvre les préconisations du rapport Denormandie-Chevalier visant à diminuer le coût d’accès aux aides techniques :
    • Encourager une logique d’usage des aides plutôt que d’achat
    • Elargir la LPPR aux aides dont l’usage par les personnes âgées est prévisiblement appelé à augmenter
    • Généraliser le tiers payant
  • Expérimenter de nouveaux systèmes de tarification des services d’aide à domicile, sous l’égide de la CNSA
  • Limiter les hospitalisations évitables : télémédecine, équipes mobiles, HAD…

Doter l’action publique d’une gouvernance appropriée

A l’échelon national, se doter de véritables plans d’action évaluables :

  • Eriger la prévention de la perte d’autonomie en stratégie nationale dotée d’une gouvernance interministérielle, d’objectifs concrets et d’actions évaluables
  • Doter la CNSA de moyens d’exercer sa mission de pilotage, en transférant à tout le moins à la branche autonomie l’enveloppe consacrée aux aides à l’adaptation du logement et en la dotant des outils statistiques propres à lui conférer le pilotage de l’offre de services

A l’échelon local, organiser l’offre de solutions auprès des usagers :

  • Généraliser et unifier les réseaux d’information des usagers sur tout le territoire, sous la responsabilité des départements
  • Redéfinir la compétence du département en matière médico-sociale, notamment pour le rendre responsable du maintien à domicile des personnes, préciser l’articulation de son action avec les communes et les CCAS d’une part, et les ARS d’autre part, et lui confier l’organisation des visites de prévention à 75 ans
  • Généraliser les maisons départementales de l’autonomie sur tout le territoire pour faciliter la prise en charge des personnes
  • Améliorer le fonctionnement des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie en rationalisant le nombre d’axes de financement, en permettant le soutien pluriannuel des projets, en articulant mieux ses objectifs aux priorités définies nationalement

Promouvoir une nouvelle conception de la prise en charge des personnes âgées :

  • Fixer un objectif d’arrêt des constructions d’Ehpad à court terme
  • Inscrire dans le droit positif la priorité du maintien à domicile
  • Assouplir les modalités d’attribution de l’aide à l’autonomie pour mieux y inclure les besoins du proche aidant
  • Lever les freins à la construction de résidences autonomie outre-mer
  • Mettre en œuvre les préconisations du rapport Piveteau-Wolfrom et renforcer les compétences des départements pour cartographier les besoins et soutenir le développement de l’habitat inclusif
  • Faire de l’ouverture sur la vie de quartier un des critères d’autorisation ou de rénovation des projets d’Ehpad
  • Dynamiser les procédures de création et de rénovation d’établissement en y associant les résidents et le personnel
  • Inclure les architectes dans les commissions de sélection et d’appel à projets
  • Encourager financièrement le déploiement des labels de bonnes pratiques en finançant les formations des professionnels en en faisant un élément de contractualisation avec les départements et les ARS

Inventer un nouveau modèle de société

  • Assouplir les possibilités de prescription d’activité physique adaptée pour les personnes âgées
  • Dresser un bilan des différentes politiques d’accessibilité et d’adaptation des espaces urbains au vieillissement et des modifications des règles d’urbanisme qu’elles appellent
  • Etendre l’opération « Nation apprenante » à un public plus avancé en âge, y associer les établissements médico-sociaux et enrichir les cahiers des charges du service public audiovisuel sur ces aspects
  • Associer le ministère de l’enseignement supérieur à la politique de prévention de la perte d’autonomie, développer les partenariats avec les universités de tous les âges afin de mailler le territoire d’offres d’activités intellectuelles à l’attention des seniors comme des jeunes, sans concurrence entre elles
  • Rendre significativement plus attractive la retraite progressive, l’élargir à l’ensemble des actifs et renforcer la promotion du dispositif lors des entretiens de préparation à la retraite
  • Alléger la composition et le fonctionnement des CDCA et les intégrer plus directement dans le processus de décision
  • Mobiliser davantage le service civique et la réserve civique pour lutter contre l’isolement des personnes âgées
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