La Cour des Comptes a publié un rapport au sujet de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Quels sont les principaux points de blocage ? Quels sont les leviers d’actions identifiés ? L’UNCCAS fait le point sur cette étude.
Bien que amplement abordée depuis dix ans dans des travaux parlementaires, de chercheurs et de spécialistes, la prévention de la perte d’autonomie achoppe souvent sur des points de blocage alors même que les analyses convergent, notamment sur l’importance du vieillissement prévisible de la population et l’aspiration de cette dernière à vivre, de manière autonome, à domicile le plus longtemps possible.
La Cour des Comptes a calculé qu’un gain d’un an d’espérance de vie sans incapacité (EVSI) ferait économiser un montant d’environ 1,5 milliards d’euros à l’assurance maladie. L’intervention publique en matière de prévention de la perte d’autonomie trouve pleinement sa légitimité dans ces enjeux financiers, en sus du bénéfice individuel et collectif pour les personnes concernées. Le présent rapport de la Cour des Comptes analyse les points de blocage et suggère des leviers susceptibles d’améliorer la vie d’un quart de la population française aujourd’hui et demain d’un tiers.
LES PRINCIPAUX POINTS DE BLOCAGE
- Le dispositif français de prévention de la perte d’autonomie doit être amélioré, faute d’apporter la démonstration de son aptitude à faire face aux problèmes à venir. Actuellement, l’espérance de vie à 65 ans est plus longue en France que dans les autres pays européens. Néanmoins, les années de vie en bonne santé représentent seulement la moitié de cette durée espérée alors que onze autres pays européens font mieux.
- Les chutes des personnes âgées sont la cause de plus de 10 000 décès de personnes de plus de 65 ans tous les ans. La France connaît une incidence des accidents frappant l’extrémité du fémur plus forte que le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou le Danemark. Selon les travaux menés par le CHU de Toulouse en collaboration avec la Cour, le surcoût de dépenses de santé associées à la prise en charge des « patients chuteurs » dépasse 900 M€ dans la seule année qui suit l’accident. La France néglige la prévention de ces chutes. Elle n’a plus d’objectif de santé publique en la matière et pas de suivi centralisé.
- L’objectif consensuel de favoriser le maintien à domicile grâce à l’adaptation du logement vient se heurter à plusieurs facteurs d’inertie ou d’inefficience : une trop grande complexité pour les bénéficiaires potentiels, l’absence de suivi, une compétence technique fragmentaire des agents chargés des diagnostics à domicile.
- Deux domaines de la prévention ne font l’objet que d’une esquisse de prise de conscience : la lutte contre l’isolement des personnes âgées, accélérateur de perte d’autonomie, et la sensibilisation des professionnels de santé au dépistage des pathologies du grand âge et aux techniques de maintien des capacités fonctionnelles.
- Malgré les avancées qu’elle a permises, la loi ASV n’a pas produit d’effet sur la simplification de l’accès des usagers aux différents opérateurs, pas plus qu’elle n’a permis de préciser leurs champs d’intervention respectifs. Les mauvais indicateurs relatifs à l’espérance de vie sans incapacité ou aux chutes résultent en partie du manque de lisibilité de l’organisation et de l’absence de responsable in fine de cette politique publique de prévention de la perte d’autonomie. La dispersion des efforts et le manque de mise en commun des bonnes pratiques ont un coût.
LES LEVIERS OPÉRATIONNELS
- Agir dans le sens de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, notamment en limitant la iatrogénie médicamenteuse, en aménagement le domicile, en faisant pratiquer une activité physique adaptée.
- Construire une offre de prévention graduée comportant trois niveaux de services :
Au premier niveau : une information générale accessible par des campagnes de communication grand public, une meilleure articulation entre information nationale et information des collectivités territoriales, et la création d’une plateforme téléphonique d’information ;
Au deuxième niveau : une politique « d’aller vers », assortie de la possibilité d’une visite conseil à domicile réalisée par des professionnels formés aux problématiques de prévention, pour ceux en faisant la demande ;
Un troisième niveau, réservé aux plus précaires socialement ou aux personnes isolées, avec des plans d’aide déployés par l’action sociale des caisses de retraite, qui doit être, à cet effet, repensée et plus homogène.
- Renforcer le pilotage de cette politique de prévention de la perte d’autonomie pour assurer l’intégration de la prévention dans les objectifs fondamentaux de la branche autonomie :
Conforter le département dans son rôle de chef de file, responsable de la politique de prévention sur son territoire, en lien étroit notamment avec l’agence régionale de santé (ARS) et la Carsat ;
Au niveau national, permettre à la CNSA de moduler les crédits qu’elle verse aux départements, dans l’objectif d’une plus grande équité territoriale, et la doter de ressources suffisantes, afin qu’elle assure son rôle de pilote national de la politique de prévention de la perte d’autonomie.