Plateforme mobilité-emploi

Insertion sociale et professionnelle
Publié le 1 janvier 2011
"Etre mobile" est aujourd'hui indispensable dans une société où le monde du travail a beaucoup évolué. Le CCAS de Grenoble a donc élaboré avec la métropole, un dispositif d’accompagnement des usagers dans leur projet de mobilité, par des formations et informations sur les différents modes de déplacements : à pied, transport en commun, deux roues, quatre roues. Ce service s'adresse en particulier aux personnes en insertion professionnelle à qui elle propose du conseil individuel.

Elements clés

Contexte

"Etre mobile" est aujourd'hui indispensable dans une société où le monde du travail a beaucoup évolué (horaire atypique, flexibilité, temps partiel,etc). Les politiques publiques luttent contre cette inégalité grandissante en proposant des équipements de plus en plus importants mais les questions d'apprentissage vis-à-vis de tous ces nouveaux usages sont peu mis en avant et restent souvent à développer. La plateforme mobilité permet ces apprentissages et donne donc de nouvelles chances aux usagers de s'insérer socialement d'abord puis professionnellement.

Issu d'une demande d'habitants d'un quartier prioritaire (Mistral), en 2006, ce projet s'est structuré durant plusieurs années et l'offre de services s'est développée au fur et à mesure que les besoins on été repérés. Le projet est né de l'initiative d'habitantes du quartier Mistral en raison des difficultés qu'elles rencontraient dans le cadre de leur formation en auto-école (compréhension, pédagogie mal adaptée…). Elles ont alors sollicité le centre social de leur quartier pour avoir un soutien dans leur apprentissage du code de la route. Cet accompagnement a permis de relever aussi de grandes difficultés lors de l'apprentissage de la conduite (diagnostic qui n'était fait qu'en auto école) , ceci induisant pour beaucoup d'entre elles des parcours à la fois très longs mais aussi coûteux (parfois plus de 100h de conduite sans réussite à la fin).

Les professionnels ont essayé de proposer des solutions pour réduire cet apprentissage : apprendre à faire du vélo, apprendre à se repérer dans l'espace, gérer son stress qui sont des fondamentaux pour ensuite passer à l'apprentissage de la conduite. Une réflexion autour de la création d'un nouveau service intervenant tant pour l'accompagnement que  la formation à la mobilité est née. Ceci a constitué le point de départ du projet d'un accompagnement vers la réussite au permis de conduire et a donné naissance au projet de plateforme mobilité.

Description


Présentation de l'action


Cette action vise l'accompagnement des usagers dans leur projet de mobilité, par des formations et informations sur les différents modes de déplacements : à pied, transport en commun, deux roues, quatre roues. Ce service s'adresse en particulier aux personnes en insertion professionnelle à qui elle propose du conseil individuel. Les usagers sont soit orientés par des prescripteurs sociaux (conseillers emploi, assistants sociaux, éducateurs, travailleurs sociaux…) soit se présentent d'eux même à l'accueil de la plateforme mobilité emploi. 99% des usagers viennent ou sont orientés en raison de leur projet de passer le permis de conduire.

La plateforme les accueille pour un 1er rendez-vous en information collective, permettant à la fois de leur expliquer le fonctionnement du service mais aussi d'entendre leur demande individuelle. Ensuite, 4 rendez vous collectifs de 2h chacun, sont programmés afin de réaliser un bilan mobilité. Ce bilan permet de cerner l'état de connaissance et d'utilisation de chaque usager des différents moyens de transport (transport en commun, vélo, covoiturage, voiture…). Il va permettre de cerner les acquis de l'usager et les besoins en formations nécessaires afin de réaliser le projet envisagé.

Ce bilan est communiqué à l'usager et transmis à son prescripteur (s'il en a un), il est aussi utilisé afin de débloquer des aides financières au moment adéquat dans le parcours de l'usager (APRE, PLIE). En effet, si l'aide est donnée alors que les pré-requis ne sont pas encore acquis par le bénéficiaire, l'aide financière ne suffira pas à l'obtention du permis sans l'accompagnement pédagogique nécessaire.

Suite à ce bilan, un cours hebdomadaire de pré-requis au code de la route est proposé à l'usager. Ces cours sont proposés suivant plusieurs niveaux mais n'est qu'un soutien à un apprentissage plus intensif nécessaire au passage de l'examen du code de la route (en plus d'une auto école). Ces cours sont tous encadrés par des enseignants de la conduite diplômés. En complément et suivant ce qui a été repéré dans le bilan mobilité, des formations sont proposées par la plateforme mobilité sous forme de stages (2 à 5 demi journée) et suivant plusieurs thèmes. Toutes ces formations n'ont qu'un seul objectif : développer la mobilité des usagers et leur permettre d'entamer un parcours permis de conduire en ayant les pré-requis nécessaires (ci-joint la fiche de l'offre de service).

Ces accompagnements collectifs (cours, stage) et individuels (suivi individuel du parcours de chacun des usagers par un mobituteur = professionnel référent au sein de la plateforme) se font toujours en lien avec le prescripteur de départ. Ainsi, même si le projet initial du bénéficiaire était la réussite au permis de conduire, certaines personnes prennent conscience que finalement avoir appris à faire du vélo, à lire un plan et à construire un itinéraire multimodal, constituent des solutions adaptées et suffisantes pour réussir une insertion professionnelle.

La plateforme mobilité emploi travaille en partenariat direct avec une auto-école associative (auto-école citoyenne) dont les moniteurs travaillent également à mi-temps pour la plateforme mobilité. Pour intégrer cette auto-école, le bilan mobilité est obligatoire. L'auto-école accompagne jusqu'au passage du permis de conduire les usagers qui ont besoin d'une pédagogie plus adaptée qu'ils ne trouveraient pas dans une auto-école commerciale.

Tous les partenaires travaillant sur la mobilité sont en lien avec la plateforme, les professionnels n'ont donc plus qu'un seul interlocuteur sur les problèmes de mobilité : la plateforme mobilité emploi. En effet, celle-ci se charge de réorienter des usagers relevant de l'intervention d'un partenaire spécifique gérant des projets en lien avec les actions d'accompagnement de la plateforme : garage solidaire, association vélo école, association vente de vélo d'occasion, location de voiture pour les publics RSA …


Moyens


Personnel :  - 1 chef de service (1 ETP), - 2 agents d'accueil (1 ETP + 1 CAE), - 1 conseiller en mobilité (0.5 ETP), - 3 formateurs en mobilité (2.2 ETP).

Matériel : - 1 borne d’accueil avec 2 poste de travail, - 3 bureaux équipés pour 6 postes de travail, - 3 salles de formations (1 pouvant acceuillir 10 personnes, réservée à l'auto-école, 1 autre pour 20 personnes et la dernière pour 35 personnes maximum).

Budget annuel : 263 300 euros. Il correspond à la masse salariale et aux prestations de service mobilisées sur des activités particulières (vélo école, sophrologue gestion du stress, réparation vélos, etc.)


Partenaires opérationnels


Les associations travaillant sur la mobilité (auto-école sociale, loueurs de véhicule, vélo-école, réparation vélo, session de gestion du stress, etc.). Par ailleurs, le service fonctionne avec un réseau de 607 prescripteurs :  entreprises d'insertion (IAE), Pôle Emploi, missions locales, les services de protection judiciaire de la jeunesse, les structures pour personnes handicapées, des psychologues, des travailleurs sociaux de la Communauté d'agglomération Grenoble Alpes Métropole (conseil général, CCAS, associations, etc.).

Ils financent l'action


Europe - FEDER (17% du financement) ; Etat - plan espoir banlieue (11.4% du financement) ;  Région Rhône Alpes (15 % du financement) ; Conseil général de l'Isère (11.4% du financement) ; Communauté d'Agglomération Grenoble Alpes Métropole (39 % du financement)

Bilan

Après 2 ans d’existence, le bilan de l'action est très encourageant. Le projet prévoyait initialement d'accueillir 250 personnes, or dès la 2ème année (2013), 837 personnes ont été orientées vers la plateforme, obligeant à bloquer les inscriptions en mai, avec un public beaucoup plus diversifié que celui attendu (y compris de personnes diplômées). En 2014, 1 090 personnes ont été orientées vers ce dispositif par 98 structures différentes. 740 (dont 444 femmes) ont bénéficié d'un accompagnement et 350 ne se sont jamais présentés. Sur les personnes accompagnées, 217 ont démarré un parcours et 523 ont terminé leur bilan mobilité. Le taux d'abandon est assez faible (7%) compte-tenu du nombre de personnes accompagnées.

Le nombre d'accompagnements augmente d'année en année (+31% entre 2011 et 2012 et +25% entre 2013 et 2014).

Les professionnels de l'insertion se sont vraiment saisis de cet outil qui leur offre une réponse aux problèmes de mobilité de leurs bénéficiaires (et surtout aux demandes constantes de permis de conduire pour s'insérer professionnellement). Les financeurs constatent également que les demandes de financement de permis de conduire ont notablement diminué mais sont beaucoup plus positives au regard des résultats obtenus.

Un autre point positif : la plateforme est située dans les locaux de station mobile (lieu d'accueil et d'information tout public sur les déplacements de Grenoble et de son agglomération + vente de tous les titres de transports : bus, TER, métro vélo, cité lib). Cela permet de de-stigmatiser le lieu d'accueil qui n'est pas perçu comme "social" mais destiné à tout public, et : - d'être au cœur de l'information sur les différentes offres de transport proposées aux usagers, - d'être l'interface entre un public fragile ayant parfois des difficultés de compréhension et les guichets d'information, - d'avoir tous les outils nécessaires aux formations des usagers fragiles.

Le point négatif à noter serait paradoxalement celui de l'engouement des prescripteurs pour ce projet, et donc des orientations dépassant les prévisions. Ceci a induit des délais d'attente pour les séances collectives. L'objectif initial était de réaliser un bilan mobilité sur un délai maximum de 1 mois, or aujourd'hui le délai s'étale sur 2 à 3 mois car les séances sont complètes.

Ce délais d'attente induit une deuxième difficulté : celle de l'absentéisme car les rendez-vous sont aujourd'hui tellement éloignés que les usagers oublient plus facilement les dates des séances. En effet, il est à noter 1/3 d'absentéisme sur chaque séance de 25 personnes. Ceci constitue un problème dans la gestion des plannings d'inscription et des présences car d'un côté les rendez-vous sont programmés avec des échéances éloignées et d'un autre il y a un nombre d'absents notable à chaque séance collective.

Enfin, il reste encore difficile de cerner une durée de parcours optimale pour un bénéficiaire de la plateforme mobilité. En effet, certaines personnes se "sentent bien" et ont du mal à quitter l'accompagnement proposé, qui n'a pourtant pas vocation à durer. Le côté affectif offert par l'encadrement et le suivi peuvent avoir un effet négatif car l'usager a du mal à quitter la plateforme. Pour l'instant, aucun délai d'accompagnement maximum n'a été défini et il n'a pas encore été possible de déterminer un bilan final.

Observations

Cette expérience est unique en France. En effet, il existe des plateformes mobilité mais en général il s'agit d'un lieu d'information uniquement. Il existe par ailleurs des auto-écoles sociales mais qui lorsqu'elles refusent l'entrée à une personne, ne peuvent proposer d'autres alternatives d'accompagnement. L'originalité de la plateforme mobilité et son partenariat avec l'auto-école citoyenne fait que l'on peut offrir une solution à toutes les situations et permettre un accompagnement global des usagers dans le développement de leur mobilité. A noter qu'il s'agit d'un projet co-construit avec la métropole d’agglomération, élément primordial car il est la base du projet viable.

Le permis de conduire est une des portes d'entrée, comme le code de la route qui est aussi utilisé comme un outil, support à l'insertion sociale. Ce support peut entraîner une insertion professionnelle, même (et souvent) sans l'obtention du permis lui-même, simplement avec des acquis indispensables dans un environnement où la mobilité est devenue un atout pour l'insertion professionnelle.

Cette expérience a fait l’objet d’une modélisation de la part de l’UNCCAS. Les modélisations correspondent à des fiches d’expériences plus détaillées et complètes issues de rencontres des acteurs sur le terrain et d’entretiens approfondis. Elles permettent aux CCAS et CIAS intéressés par l’action de la connaître en détail afin de mieux identifier ses conditions de réussite, difficultés et leviers, pour pouvoir l’essaimer.

Photo : Wikimedia Commons / Jörg Sancho Pernas

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