Comment comprendre une ordonnance quand on ne maîtrise pas bien la lecture et la langue française ? Ce projet d’ordonnance visuelle est né dans un atelier d’alphabétisation avec les publics exprimant leurs difficultés face à la gestion de leurs ordonnances médicales. L’ordonnance visuelle propose de traduire la posologie détaillée d’une ordonnance grâce à des gommettes de couleur et des pictogrammes accolés sur un tableau. Un dispositif simple mais qui fait ses preuves pour faciliter les soins et la sécurité des personnes en situation d’illettrisme ou d’analphabétisme.
Contexte
Le projet a démarré en 2012 dans le cadre des actions « Politique de la ville » portées par le CCAS. Dans un cours d’alphabétisation du Centre social géré par le CCAS, une étude a été menée : conduite par une stagiaire (formation en économie sociale et familiale) avec les usagers et en lien direct avec les intervenants, elle a mis en lumière la difficulté pour les apprenants à gérer dans la plus grande sécurité les prescriptions médicales.
Le besoin a été clairement identifié par une famille ayant exprimé ce problème, suite à l’intoxication médicamenteuse d’un de ses enfants, survenue à cause d’une incompréhension de l’ordonnance. La personne n’avait pas osé exprimer, ni aux professionnels de santé, ni dans son environnement social, son incapacité à lire l’ordonnance. L’expression de cette famille a été confortée par d’autres apprenants.
Description / Fonctionnement de l'action
Il s’agit de mobiliser l’ensemble des acteurs médicaux et paramédicaux (libéraux, hospitaliers et territoriaux) et les professionnels médico-sociaux, sur la question de l’illettrisme/analphabétisme et de développer l’utilisation de cette ordonnance sur les territoires. Le projet a été proposé par la stagiaire ayant mené l’étude et fait émerger le besoin.
L’ordonnance est une traduction visuelle, à l’aide de gommettes et d’un tableau, du traitement médical prescrit (différents produits, prise en qualité, périodicité et durée). L’intervention du professionnel est liée au collage de gommettes (couleurs et pictogrammes) sur le document fourni par lui-même. Ce document pourra être distribué par le CCAS aux professionnels de santé et médico-sociaux mobilisés et aux institutions en charge des questions d’autonomie en santé, d’analphabétisme / illettrisme.
Bilan
Cette action repose sur la création d’un outil facilitant l’autonomie des personnes et valorisant les actions du CCAS dans son lien avec les administrés. La mobilisation créatrice d’une jeune stagiaire avec l’équipe du CCAS, la participation active des familles, le concours des deux pharmacies de la ville, et le soutien de la Préfecture de l’Ardèche ont facilité cette réalisation.
L’action s’inscrivait au départ dans le contrat urbain de cohésion sociale et a pris rang dans le 1er Contrat local de santé signé en Ardèche et porté par le CCAS de La Voulte-sur-Rhône avec un enjeu de développement d’agglomération (Axe 2 du plan portant sur l’accès aux droits, aux soins et à la prévention des publics en situation de vulnérabilité sociale). Le CLS arrivant à son terme fin 2017 avec une forte probabilité de non reconduction, son ambition était de s’élargir au périmètre de la nouvelle Communauté d’Agglomération qui n’a pas encore intégré de compétence santé dans ses attributions.
Aujourd’hui…
De 2015 à 2017 : deux phases d’expérimentation se sont succédées, l’une dans le cadre d’une évaluation accompagnée par l’ORS et l’IREPS Rhône Alpes. De nombreux professionnels ont testé l’Ordonnance visuelle au sein de leurs établissements (Pharmaciens, médecins, puériculteurs des P.A.S.S. des C.H. de Privas, Edouard Herriot, Bordeaux, Firminy… , des C.A.D.A, des officines, des SAMSAH/SAVS, le programme national de médiation sanitaire). Les premiers retours que l’on peut faire sur les bénéfices obtenus quant à son utilisation partagée, témoignent qu’elle est d’ores et déjà un outil pertinent pour améliorer la relation soignant/soigné, facilitant la compréhension des personnes dans la gestion de leur traitement médicamenteux.
En 2017, l’Ordonnance visuelle est lauréat du concours national « Droits des usagers de la santé », organisé par le Ministère de la santé. L’ARS Auvergne Rhône Alpes lui a décerné le label « droits des usagers de la santé ». En retour de cette reconnaissance publique, elle invite le CCAS à porter cet outil à la connaissance de tout acteur du système de santé dont le public est confronté aux problématiques de sécurité et d’adhésion à leurs traitements médicaux. Parce que l’Ordonnance visuelle constitue une réponse novatrice en matière d’accompagnement de patients analphabètes, en perte d’autonomie ou présentant une déficience intellectuelle.
Cette initiative au service de l’éducation thérapeutique du patient et de la littératie en santé intéresse de nombreuses institutions publiques, sur l’ensemble du territoire national, Outre-mer comprise (en Guyane, notamment). Elle a retenu l’attention d’associations accueillant des publics en difficulté avec la langue française (migrants, analphabètes, illettrés...) mais également des associations œuvrant dans le domaine du handicap et des professionnels formés à l’E.T.P. (Education Thérapeutique du Patient)...
L’évaluation a permis d’entrevoir le potentiel de l’Ordonnance visuelle pour améliorer l’autonomie des usagers, ainsi que les investissements, développements et transformations à engager pour une mise à disposition. Le 20 octobre 2017 à Privas, dans le cadre de la Quinzaine de l’Intégration, le CCAS en partenariat avec la DDCSPP et l’ARS de l’Ardèche invitent des professionnels à découvrir l’Ordonnance visuelle. L’IREPS de l’Ardèche, le DIEDAC-CRI 26 07 et la CPAM de Privas collaborent à cet évènement.
Objectifs de développement
- Poursuivre la promotion de l’Ordonnance visuelle de manière à l’intégrer dans les pratiques des professionnels,
- Élaborer un "guide" pour entourer son usage de "bonnes pratiques" (notamment pour éviter le mésusage), en intégrant une démarche d’amélioration continue, d’amélioration de l’accessibilité de l’information en santé,
- La phase d’essaimage régionale et nationale en cours requiert une évolution rapide de l’actuel portage
- du projet notamment pour financer une mission spécifique de développement et de coordination.
- Réunir les usagers et les institutions dans une démarche partagée d’insertion sociale, d’autonomie et de prévention santé.
Les moyens nécessaires à ce développement sont :
- le financement d’un projet comportant le pilotage, le développement et la coordination,
- la création d’un comité de pilotage et de suivi du dossier pour l’organisation du développement à une l’échelle régionale et nationale,
- le développement de l’impression du document.
Moyens
Moyens humains :
La pilote du projet : chargée de mission promotion de la santé et de l’animation du contrat local santé,
Coût annuel :
- 30 000 euros de rémunération du personnel,
- 2 500 euros de frais de déplacement et de formation,
- 3 000 euros d’achat et de frais d’impression.
Les partenaires
Partenaires opérationnels
- Préfecture de l’Ardèche,
- Acteurs du contrat local de santé (Etat, ARS, conseil général, CARSAT, CPAM, Ville).
Ils financent l'action
- D.D.C.S.P.P. service de lutte contre les exclusions
- ARS Ardèche
- Afin de faciliter le déploiement de cette action, le CCAS a réalisé avec le soutien de l’ARS une évaluation du dispositif
Les observations du CCAS/CIAS
Ce projet prend en compte un problème dont le caractère social et humain est avéré, avec construction d’une réponse coordonnée et mobilisatrice dans et hors du périmètre d’action du CCAS. Il transforme un problème de santé publique, pouvant avoir des répercussions dramatiques, en une proposition agissant sur :
- la sécurité sanitaire et une sécurisation du parcours médico-social ;
- l’autonomie quant à l’accès aux soins et la gestion des formalités de la vie quotidienne pour tous ;
- l’intégration des bénéficiaires à un processus conscientisant, valorisant leurs capacités personnelles et leur image dans la famille et le milieu social ;
- l’opportunité pour tous ceux qui partagent la responsabilité de la prévention et la lutte contre l’illettrisme d’intégrer cette préoccupation dans leur action, dans le cadre de leurs compétences, pour être ensemble plus efficaces et amener la cohérence et la continuité de cette politique avec une méthode de travail ;
- une mutualisation solidaire entre les acteurs de la prévention, de la santé, de la lutte contre illettrisme et l’analphabétisme, les collectivités territoriales, l’État, l’ARS. C’est également une réponse opérationnelle, reconductible et modélisable au service d’acteurs hors champ du CCAS.
Ce projet démontre que la mobilisation de l’argent public est capable de produire des formes de « retour social », largement profitables à l’ensemble des publics concernés, collectivités et institutions.
Photo : Wikimedia Commons / M.Minderhoud