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Fiche d'expérience

Les chantiers de mise en situation professionnelle (MESP)

Les chantiers de mise en situation professionnelle (MESP)

Les mises en situation professionnelle sont des contrats de travail destinés à des personnes très demandeuses d’accéder à l’emploi mais pour qui un doute existe sur la capacité à s’y inscrire. La MESP est un moyen de jauger leur rapport à l’emploi par l’identification des freins à lever notamment dans le cadre de l’accompagnement social.

Principaux objectifs

  • Permettre à des personnes en difficulté sociale de relancer un parcours d’insertion sociale (y compris de soins) et/ou professionnelle
  • Identifier les freins entravant l’insertion professionnelle
  • Développer des compétences et des savoir-être
  • Revaloriser les personnes vis-à-vis d’elles-mêmes et de leur entourage

Public(s) Ciblé(s) par l'action

Personnes éloignées de l’emploi accompagnées par le CCAS ou les CDAS (Centre départementaux d’action sociale) de Brest, très demandeuses d’accéder à un travail rémunéré mais non positionnables sur un chantier d’insertion du fait d’un doute sur leur capacité à s’y inscrire sur la durée :

  • Des personnes très éloignées de l’emploi pour qui le chantier doit aider à la prise de conscience
  • Des personnes pour qui le travailleur social perçoit des capacités mais conserve un doute sur leur potentiel à intégrer un parcours d’insertion professionnelle
  • Des personnes, particulièrement des jeunes souvent en rupture de parcours, qui ont besoin d’être valorisées et de reprendre confiance

Contexte

Les besoins identifiés

Une forte demande d’accès à l’emploi de la part des personnes accompagnées

 
L’absence d’emploi est perçue par les personnes comme lacause principale de leur situation personnelle dégradée. Dans un contexte où la reconnaissance par le travail est prégnante, cette forte perception embolise des accompagnements sociaux.

Un besoin de se redynamiser en étant actif et en bénéficiant d’une reconnaissance salariale

Ces personnes souffrent souvent d’une forme de passivité au quotidien, qui accentue parfois leurs difficultés et engendre des refus ou une lassitude de participer à des activités proches du travail sans reconnaissance financière, par exemple en atelier d’insertion.

Un éloignement de l’emploi parfois difficile à évaluer

 
Les travailleurs sociaux rencontrent des difficultés à évaluer le positionnement à l’emploi et hésitent à orienter vers l’IAE, particulièrement vers le chantier d’insertion.

La génèse du projet

Face à ces besoins, un groupe inter-services s’est constitué pour construire une réponse différente et complémentaire de l’accompagnement social individuel : recherche d’une réponse plutôt collective et dynamique qui positionne la personne dans le faire, au service l’accompagnement mené.

L’idée est de confronter les personnes au travail pour valoriser et/ou pour mieux percevoir la réalité à la fois de leur situation et à la fois de l’emploi. En construisant un cadre d’action se rapprochant le plus possible de l’emploi classique (contrat-rémunération, hiérarchie, EPI …), et en adaptant néanmoins le contexte et le regard d’employeur au regard des situations des personnes.

Description / Fonctionnement de l'action

Le CCAS coordonne, décide du nombre, de la nature des chantiers, des participants, du choix des encadrants.

Le portage administratif et financier est effectué par l’association intermédiaire du Sato-relais. Celle-ci est l’employeur des personnes, donc leur interlocuteur concernant leur rémunération. Elle sollicite les subventions et gère le budget de l’action.

En amont du chantier

  • Communication aux référents sociaux du CCAS et des CDAS de Brest de l’ouverture d’un chantier : modalités de candidature, support (peinture, menuiserie, manutention ou nettoyage extérieur …), rappel des critères, annonce de dates…
  • Réception des candidatures : une fiche de candidature remplie par la personne, à laquelle s’ajoute une fiche d’orientation remplie par le travailleur social référent.
  • Choix des personnes avec l’encadrant technique du chantier puis communication par téléphone et courrier. En général, un chantier mobilise 5 personnes. Au regard de l’absentéisme, 6 à 7 personnes sont positionnées dès le début. En cas d’abandon, possibilité de repositionner d’autres personnes (liste d’attente).
  • Réunion d’information collective avec les candidats retenus : présentation du travail demandé, déplacement et signature des contrats de travail avec l‘association intermédiaire Sato-relais, récupération des vêtements de travail (don).

Le déroulement du chantier

Un chantier dure en moyenne 4 semaines et s’organise en 4 demi-journées hebdomadaires en emploi, regroupant 4 à 5 personnes salariés qui sont encadrées par un intervenant technique ayant des compétences en intervention sociale.

Il s’accompagne de temps annexes rémunérés :

  • un bilan de santé au centre d’examens de la CPAM,
  • des « pauses-chantiers » co-animées par le chargé de projets et la psychologue pour débriefer collectivement,
  • des rencontres avec plusieurs partenaires (PLIE…),
  • un bilan de chantier salarié/encadrant/référent social.

Des supports de travail variés (peinture, menuiserie, manutention ou nettoyage extérieur…) peuvent être des commandes et prennent alors la forme de prestations. Cela s’est traduit par exemple par le nettoyage extérieur d’Océanopolis ou la rénovation d’appartements du parc de logement du CCAS.

Le chantier offre une expérience salariale à bas seuil d’exigence . Une absence ou un retard n’est pas excluant, il sera réapproprié dans l’accompagnement comme un élément d’évaluation à l’employabilité. De même, si l’alcoolisation et ses effets ne sont pas permis sur le temps de travail, ils ne mettent pas fin au contrat de travail. La sanction principale est le non-paiement, en toute logique, des heures non effectuées. Le reste doit servir de matière, d’éléments concrets au profit de l’accompagnement social.

Le bilan de fin de chantier

Il permet à la personne de s’approprier en présence du travailleur social référent les éléments d’évaluation énoncés par l’encadrant. Lorsqu’une personne ne commence pas le chantier ou l’abandonne en cours, il ne s’agit pas de rester sur un échec mais avec le référent social de comprendre ce qui a posé problème et devra être abordé dans l’accompagnement social.

Bilan

Données quantitatives

L’action a été conduite annuellement depuis 2012. Une analyse des parcours a été réalisée sur la période de 2014 à 2019.

Au cours de cette période, 22 chantiers ont été réalisés : petite démolition, peinture, menuiserie, collecte de déchets, entretien espaces verts.

99 personnes différentes ont participé à un chantier. Parmi ces personnes :

  • 85% sont des hommes et 15% des femmes ;
  • 58% de personnes bénéficient du RSA ;
  • 31% sont sans ressources.

Pour les personnes bénéficiaires du RSA :

  • 43% le percevaient depuis plus de 5 ans (30% depuis + de 10 ans),
  • 28% n’avaient pas de diplôme, 53% avaient un CAP/BEP, 12,5% avaient le bac, et 7% avaient un niveau bac +2

La part des moins de 26 ans avant 2016 était de 10 à 20%, depuis 2016, elle se situe entre 30 et 50% selon les groupes.

Données qualitatives

Les travailleurs sociaux décrivent les MESP comme un outil qui permet d’engager une dynamique avec les personnes : « cela permet de faire bouger les lignes », résume l’un d’entre eux.

Pour certaines personnes, il peut être un déclencheur dans un parcours d’insertion professionnelle car il intervient après une période (qui peut être longue) d’inactivité. Le chantier permet alors une remobilisation de la personne et une reprise de confiance en soi dans la relation au travail à partir d’une expérience concrète.

Les travailleurs sociaux présentent le chantier comme une possibilité d’évaluer avec la personne ses capacités à être en emploi (respect du cadre lié à l’emploi, capacité à tenir sur 12/14h, capacité à apprendre et à réaliser des techniques professionnelles).

Suite au chantier, la personne et le travailleur social partagent l’expérience et peuvent construire ensemble les suites à donner dans le parcours d’insertion professionnelle : est-ce que des freins sont identifiés ou qu’est ce qui permettra d’atteindre l’objectif d’un emploi à court/moyen ou long terme ?

Enfin, certaines personnes arrêtent en cours de chantier ou ont trop de difficultés à tenir, en raison d’addictions, de difficultés physiques ou psychiques, d’une inadaptation à la situation de travail pour d’autres raisons. Cette expérience permet alors à la personne et au travailleur social d’envisager plutôt un parcours en lien avec un handicap, un parcours d’insertion sociale et/ou de soins.

Quel débouché pour les participants ?

L’analyse des parcours de 48 personnes (58% de l’ensemble des personnes ayant participé sur la période 2014-2018) révèle que 67% des personnes ont poursuivi un parcours d’insertion professionnelle. La participation à la MESP a dans ce cas contribué à enclencher ou ré-enclencher le parcours.

  • 3 personnes sont entrées en formation et une autre construit un projet de formation,
  • 8 personnes ont accédé à un emploi,
  • 10 personnes ont travaillé leur parcours d’insertion en lien avec la reconnaissance d’un handicap : RQTH, milieu protégé, ESAT, Seb’action,
  • 6 personnes ont été orientées vers un dispositif d’IAE (chantiers et ateliers) dont 3 candidatures rejetées,
  • 5 personnes pour lesquelles le suivi avec la Mission locale a été réenclenché (sur les 14 jeunes de moins de 26 ans étudiés).

33% des personnes sont dans une situation sociale trop complexe ou des difficultés de santé qui les maintiennent éloignées de l’emploi.

  • Pour 13 personnes, un travail sur le soin a été maintenu ou enclenché,
  • 10 personnes ont suivi un parcours de soins liés à des addictions
  • 2 personnes ont suivi un parcours de soins liés à des maladies psychiques
  • 3 personnes ont été incarcérées dans les mois qui ont suivi l’expérience.
  • 14 personnes (29%) ont fait ou ont une demande d’AAH en cours.

Pour 7 personnes (soit 15% des retours recueillis), le bilan de participation à la MESP est jugé peu satisfaisant car elle n’a pas permis de faire évoluer la situation aux regards des enjeux posés à l’entrée dans le chantier.

Moyens

Moyens humains

  • Chargé de projets CCAS : 0,1 ETP
  • Psychologue CCAS : 4h par chantier
  • Encadrant technique : 64h par chantier
  • Chargé de clientèle Sato-relais : 2h par chantier

Moyens materiels

EPI et moyens variables en fonction du support utilisé et en lien avec la structure encadrante : outils, véhicule…

Coût total du projet

En 2019 :

  • 16491 € pour les salaires des usagers (3 chantiers)
  • 7000 € de prestation support/encadrement (3 chantiers)
  • 876 € d’achat d’EPI

Les partenaires

Ils financent l'action

En 2019 :

Le département du Finistère a subventionné l’action à hauteur de 8000€, Brest métropole (insertion emploi) pour 2000€, le Contrat de ville pour 2000€.

Le CCAS de Brest a réglé 11929 € au Sato-Relais pour la rénovation de logements (2 chantiers).

Les observations du CCAS/CIAS

Avantages du projet

  • Sortir du rapport insertion sociale/ insertion professionnelle habituel qui veut qu’on soit prêt au niveau social pour aborder l’aspect professionnel. L’emploi n’est pas seulement une finalité dans un parcours d’insertion mais peut aussi être utilisé comme LEVIER pour aborder et traiter d’autres problèmes.
  • Travailler la construction de l’action avec les collègues de terrain.
  • Bien identifier et développer le partenariat.
  • Chercher des ressources adaptées en tant que supports au chantier.
ForcesFaiblessesOpportunitésMenaces
- Partenariat avec l’association intermédiaire : portage financier et administratif
- Partenariat avec les structures support-encadrement : prise en compte spécifique du public ; travaux valorisant pour le public ; passerelle possible avec l’atelier d’insertion, bénévolat ou action jeunes
- Démarche interservices au CCAS : action construite en lien direct avec l’accompagnement ; proximité entre travailleurs sociaux du CCAS et l’action
- Regroupements sous la forme des pose-chantier qui permet au public d’analyser l’expérience et de se projeter
- Une nouvelle dynamique créée dans le parcours d’insertion : « les lignes bougent »
- Pas d’orientation de la part des CDAS en 2018
- Moindre proximité entre l’action et les travailleurs sociaux des CDAS
- Difficulté de prévoir l’assiduité des personnes et leur éventuel remplacement : impact sur l’utilisation des budgets alloués
- Nombreux supports de chantiers par le tissu associatif : rénovation de locaux …
- Bilan de santé CPAM
- Lien établi et présentation des chantiers d’insertion Sato et Prélude
- Partenariats privés : ex. de la commande d’Océanopolis qui n’est cependant pas renouvelable tous les ans
- Un partenariat engagé avec le PLIE
- Présentation du chantier MESP lors des prochaines réunions thématiques de l’insertion du TAS du CD
- Possibilité de positionner des usagers relevant d’une structure adaptée en ESAT par le bais d’une MESP
- Fragilité des financements et engagements de « clients potentiels » : Brest’aim, …
- Difficulté à trouver un encadrant technique en cas de chantier hors structure support ;
- Peu de débouchés en travail adapté type ESAT, atelier protégé, suite à la participation au chantier MESP ;
- En acceptant des commandes type Océanopolis, nécessité de remplir un contrat d’où le risque d’augmenter le seuil d’exigence ;
- Observation en 2017 de l’augmentation des sorties positives, ce qui, même si c’est un effet positif, n’est pas l’objet exclusif du projet. - Ne pas omettre le public plus éloigné.
- Le travail fourni n’est pas toujours de qualité. Ex. pour un chantier logement CCAS

Photo : Wikimedia Commons / Thesupermat

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