Le théâtre Débloc

Sallaumines est située au cœur du bassin minier, au sein de l’agglomération de Lens-Liévin. De la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 1980, la commune a été un grand centre minier, puisque la compagnie des mines de Courrières y a ouvert plusieurs de ses fosses. La commune a compté jusqu’à 15 000 habitants dans les années 1960. A la fermeture des mines, la population a commencé à chuter et aujourd’hui la ville recense environ 9 700 habitants.

Des villes françaises de moins de 10 000 habitants, Sallaumines est la ville la plus pauvre de France. Le chômage touche aujourd’hui 28% de la population, et sur 9700 habitants du recensement de 2014, 39% des personnes sont allocataires du RSA, soit 3800. En outre, le taux de pauvreté étant en 2013 de 36%. Seule 28 % des ménages fiscaux sont imposés.

Le parc locatif est composé à 75% de logements sociaux. Selon les projections de la commission des finances du Sénat, 96,73% des foyers de Sallaumines seront exonérés de la taxe d’habitation en 2020.

C’est dans ce contexte que les administrés sont accueillis au CCAS, où les travailleurs sociaux constatent bien souvent qu’ils sont en situation de précarité, voire d’illettrisme, d’endettement et d’exclusion. C’est une population cumulant des problématiques qu’il convient de soutenir.

En 2010, à la suite de l’installation du nouveau maire, Christian Pedowski, et à l’arrivée du nouveau Directeur du CCAS, Sâadi Lougrada, tous deux ont voulu impulser une notion de projets plutôt que de guichet.

C’est ainsi que plusieurs actions ont vu le jour dont le Théâtre Débloc, d'abord mené à titre expérimental. Après une contractualisation avec le « théâtre de l’aventure » de Hem, un dossier de subvention politique ville a été établi par le CCAS, permettant la pérennisation de l'action depuis 2017.

Le CCAS raconte

Ces talents qui s’expriment au travers du théâtre, nous les avons trouvés derrière une porte cachée, sur un palier, dans un sous-sol, dans le fond d’un couloir appuyé sur une vitrine qui faisait office de miroir pour mieux cacher leur désespoir. Bref au fond d’un tunnel qu’ils ne pensaient pas franchir, précisément parce que l’univers, le lieu d’existence de ces personnes est un gouffre sans fin, sans avenir, sans espoir, sans « vie » !

Ces personnes étaient dans l’ombre, comme éteintes par la vie, ignorées des autres qui les regardaient avec pitié et mépris. Les années passant, ils devenaient transparents dans une société de plus en plus individualiste qui laisse sur le bord du chemin les hommes et femmes les plus faibles, brisés par la vie.

Et, miracle, peu à peu, ils se laissent embarquer dans un projet de chant et d’échanges de tranche de vie. Ils apprennent qu’ils ne sont pas les seuls et que d’autres personnes ont la même histoire. Alors, ils se livrent et ils déversent là toute leur misère, leur souffrance, leur mal de vivre.

C’est donc à l’initiative de l’équipe du CCAS et de Monique Mahieu, jeune retraitée bénévole, qu’un groupe d’habitants s’est constitué à Sallaumines. Leur objectif étant de s’entraider et de surmonter leurs difficultés, de s’exprimer individuellement et collectivement par le chant, le théâtre et les autres arts associés, de partager avec le maximum de gens leurs découvertes et leurs créations.

Ils souhaitent raconter une histoire qui se trouve être leur histoire, des tranches de vie de tous les jours comme pour exorciser leur mal être. Cela devient une vraie thérapie de groupe, chacun se raconte à sa manière. On éclate de rires, on fond en larmes et on dessine des sourires complices.

Afin que la troupe continue de s’ouvrir, que ses membres s’épanouissent davantage, à contre-courant des préjugés, du repli sur soir, du défaitisme, tout en s’insérant davantage dans la vie de la cité, elle se propose d’impulser dans la commune un rendez-vous régulier, trimestriel en 2013, de Théâtre Civique et Festif.

Accompagnés par les artistes du Théâtre de l’Aventure et l’Equipe du CCAS, les participants réfléchissent à des thèmes de société qui les intéressent tels que par exemple le repli chez soi, ou encore les rapports entre les générations, les addictions, le sport... en lien ou non avec l’actualité.

Un sommaire est retenu par l’assemblée et des saynètes sont préparées pendant le trimestre.

En trois petites années d’existence, ils ont fait la preuve que la fatalité n’était pas de mise, que la confiance, la solidarité, l’entraide n’étaient pas vaines, qu’eux aussi étaient tout à fait capables de créativité, de dynamisme, d’initiative.

Le groupe est devenu troupe, et a pris pour nom le Théâtre Débloc.

Avec l’aide du Théâtre de l’Aventure de Hem, ils ont créé en juin 2012 un spectacle de qualité, Le Cœur des Morts , qu’ils ont inspiré de A à Z et représenté à la Maison de l’Art et de la Communication de Sallaumines devant près de 300 personnes, qui pour la plupart n’étaient jamais entré de leur vie dans un établissement culturel.

C’est ainsi que le mal de vivre, l’univers déprimant de leur quartier disparaît avec le temps. Ils revivent comme une « nouvelle naissance » l’envie de communiquer et d’être reconnu. Cela génère souvent une énergie folle, une créativité étonnante qui peut être mise au service de leurs personnages.

Ces femmes et ces hommes nous parlent ; c’est certes parfois un langage très « viril, sauvage, voir provocant », c’est aussi parfois empreint de tendresse. En tout cas, ils transmettent toujours au public le rythme fou qui les anime.