Grenoble : une seconde vie pour les logements de fonction inoccupés des instituteurs

Logement
Publié le 8 février 2018
Créés en 2014 par le CCAS de Grenoble, « Les Appartements » offrent une solution d'hébergement de moyenne durée s'appuyant sur le parc de logements inoccupés de la Ville réservés aux professeurs des écoles.
Le dispositif permet de reloger les familles en difficulté (suite à l'évacuation de campements ou de squats, à des décisions d’expulsion sans solutions de relogement, etc.), quelle que soit leur situation administrative. De nombreux migrants sont notamment concernés par le dispositif.

« La Ville de de Grenoble a une longue tradition d’innovation sociale, au service des plus démunis. Ce dispositif, qui accompagne déjà 25 ménages, est une réponse pragmatique et solidaire à l’urgence sociale qui touche les migrants à Grenoble comme dans l’ensemble des grandes villes de France », Eric Piolle, Maire de Grenoble et Président du CCAS.

Un hébergement de moyenne durée avec un accompagnement de qualité


Chaque année, au mois de juin, la Ville dresse un état du parc d'appartement réservés aux instituteurs et le communique au CCAS. Celui-ci exclut les logements situés dans l'enceinte des écoles ou ceux en trop mauvais état pour ne conserver que ceux nécessitant des travaux de courte durée et à faible montant.

Le CCAS assure l'ameublement des appartements, en partenariat avec des structures telles qu’Emmaüs, sauf pour l'électro-ménager, pour lequel des équipements neufs sont fournis.

La décision de loger une famille dans "Les Appartements" relève ensuite de la politique facultative d’hébergement de la Ville. Le plus fréquemment, deux familles sont logées dans un même appartement, afin de valoriser au mieux le parc immobilier.

S'il s'agit au départ de mettre à l'abri les personnes, l'hébergement fait l'objet d'une contractualisation avec les occupants renouvelée tous les trois mois. Le contrat prévoit un contact au moins une fois par semaine avec les équipes du CCAS qui veillent à la médiation avec les voisins, au respect des règles de vie mais aussi à l'insertion sociale (scolarisation, planning familial, ouverture de droits, orientation vers un référent du conseil départemental...).

Comme le souligne Arthur Lhuissier, directeur de l’intervention de l’observation sociales, "l'objectif est d'assurer une continuité d'hébergement, que le contrat soit systématiquement renouvelé sauf si une meilleure solution se présente. On ne met pas les gens à la rue en leur disant : ce sont vos trois derniers mois".

L'appartement permet une stabilisation de la situation. Le but est qu'à terme, les familles accompagnées soient suffisamment insérées pour aller vers un dispositif de logement pérenne.

Un bilan positif... qui se heurte à des limites d'ordre administratif


Avec un coût moyen de 10 000 € par an et par logement, soit de 4,5 € par jour et par personne (incluant 3000 € de mobilier et de travaux, 3000 € de consommation énergétique, 4000 € de frais de personnel) le système est beaucoup plus avantageux que les nuitées à l'hôtel, qui coûtent de 17 à 22 €, sans accompagnement.

Depuis sa création, il a permis d'héberger 41 ménages dont 16 sont sortis du dispositif :

  • 6 familles ont pu bénéficier de dispositifs d’hébergement d’insertion (CHRS ou résidence sociale),
  • 4 bénéficient d'un logement social pérenne,
  • 2 sont prises en charge par l’Etat dans le cadre de dispositifs de demande d’asile,
  • une a bénéficié d'un autre dispositif d’insertion,
  • 3 familles enfin ont été exclues du dispositif (deux en raison de problèmes grave de comportement, une en raison d'une absence longue sans explication)

1 ETP permet d'assurer le suivi de 10 logements hébergeant 2 familles (20 familles). Si bien qu'avec 13 appartements occupés par 25 familles, le CCAS commence à manquer de temps.

"C’est un dispositif qui nous semble efficace", affirme néanmoins Arthur Lhuissier, "mais qui se heurte au même paradoxe que les dispositifs du droit commun en raison du statut administratif de certaines personnes". En effet, en raison de la complexité de certaines situations, où se conjuguent des problématiques d'accès aux droits, de santé, de scolarisation, de présence de réseaux parfois indésirables liés à l'arrivée en France, l'insertion se heurte parfois à des obstacles... qui peuvent parfois sembler insurmontables.

Comme le souligne Arthur Lhuissier, lorsque les personnes bénéficient de droits au travail (parce qu'ils sont Européens), « il y a au moins une dynamique » : la possibilité de ressources permet la pérennisation du logement visée par le dispositif.

Mais pour les personnes en cours de demande d'asile ou déboutées de leur demande, il n'y a pas de ressources possibles. La seule perspective est alors d'attendre une éventuelle régularisation, engendrant des situations de mal-être… « Cela questionne le sens du travail social : qu’est-ce qu’on peut faire avec ses familles-là ? » s'interroge le directeur de l’intervention de l’observation sociales, qui prend parfois la décision d'orienter les familles accompagnées vers des activités bénévoles pour leur donner un but.

Des discussions sont en cours avec le Ministère de l'Education Nationale pour déconventionner les appartements, ce qui permettrait de repenser l'hébergement dans la durée et d'envisager des travaux pour les appartements en plus mauvais état, le CCAS dépendant pour le moment des états de la situation réalisés chaque année.

Photo : Wikimedia Commons / Jörg Sancho Pernas

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