Contexte
Selon le rapport Babeau cité par l’Agence Nouvelle des Solidarités Actives (ANSA), environ 600 000 ménages sont exclus du crédit bancaire en France. 700 000 dossiers de surendettement sont actuellement en cours et selon la Banque de France, trois quart de ces dossiers concernent des situations de « surendettement passif » faisant suite à « des accidents de la vie ». Le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 14% entre la période janvier - février 2008 et janvier - février 2009. Malgré l’utilité évidente du micro-crédit personnel, peu de prêts ont été octroyés à ce jour car il faut surmonter quelques freins comme par exemple la faible sensibilisation et communication auprès du public et des prescripteurs potentiels ou encore, le fait que les critères d’attribution sont trop restrictifs. Pourtant, le micro-crédit représente un véritable enjeu pour les communes dans la mesure où il permet d’avoir une offre cohérente et complémentaire sur l’ensemble du territoire et apporter une réponse aux besoins de financement des ménages les plus fragiles. Avec plus de 156 000 habitants, la commune de Grenoble s’engage pour répondre à cette problématique.
Description / Fonctionnement de l'action
L’objectif du micro-crédit personnel mis en place par le CCAS de Grenoble est de permettre l’accès au « crédit bancaire » pour les personnes qui actuellement en sont exclues ou qui sont rejetées vers des solutions de remplacement chères et dangereuses et lutter contre les inégalités en assurant des chances d’émancipation sociale. Il n’a pas vocation à se substituer aux aides existantes et ne peut pas être utilisé pour racheter des dettes. Contrairement à d’autres programmes de micro-crédit existants, le projet grenoblois entend alléger les conditions d’attribution du crédit en supprimant les plafonds de revenus et en permettant à certaines personnes fichées à la Banque de France d’accéder au crédit.
Population ciblée :
Tous les habitants de la Ville de Grenoble exclus du système de crédit bancaire classique (amortissable), qu’ils soient bancarisés ou non. Les personnes fichées (FICP – FCC) ou ayant un dossier de surendettement en cours seront également éligibles. Aucun autre critère ni de ressources, ni de statut n’est pris en compte.
Après deux mois de fonctionnement, il ressort sur 215 entretiens que le public est à 46 % salarié, 7 % retraité et à 47 % au chômage ou bénéficiaire des minima sociaux. Leurs revenus sont pour 80 % d’entre eux à moins de 1 500 euros. Il s’agit bien principalement d’une population qui n’a pas ou plus accès aux offres de financement classique d’une banque.
Objet du prêt :
Le prêt couvre des dépenses qui ne peuvent être prises en charge par un dispositif de droit commun. Les demandes prioritaires visent la mobilité (acquisition de véhicule, permis de conduire…), le logement, la santé et les accidents de la vie (décès, divorces…).
Les caractéristiques du prêt :
Le montant du prêt est compris entre 300 et 3 000 euros (le prêt peut être supérieur mais dans ce cas la banque garantit à 100%), le taux d’intérêt fixe inférieur à 8 % (TEG), pas de frais d’instruction, assurance facultative, durée du prêt plafonnée à 36 mois, le FCS prend en charge 50 % de la garantie, le partenaire bancaire au moins 35 % et le CCAS 15 %.
Une procédure d’instruction originale :
Les demandes passent par une plateforme téléphonique. Les chargés d’aide renseignent, parfois réorientent l’usager, analysent le projet et s’il correspond aux critères du micro-crédit, un rendez-vous est fixé pour constituer le dossier dans l’un des 11 centres sociaux de Grenoble.
Lors de ce rendez-vous, le candidat présente son projet qui est analysé par une conseillère en économie sociale et familiale. Une analyse du budget du demandeur est également effectuée notamment grâce à un logiciel d’analyse budgétaire conçu avec l’ANSA. Si la situation et le budget sont compatibles. Un dossier est constitué.
Le dossier est ensuite finalisé au CCAS puis transmis au Crédit Municipal de Lyon.
La banque étudie une dernière fois le dossier et convoque le demandeur pour la signature du contrat. L’argent est ensuite directement versé sur le compte bancaire de l’usager ou au prestataire.
Le CCAS et le Crédit Municipal de Lyon valident successivement, et chacun selon leurs critères (sociaux ou bancaires) un dossier de demande de prêt et le prêt est octroyé rapidement. En revanche, si les deux instances ne sont pas d’accord sur la suite à donner à un dossier, une commission ad hoc se réunit en fonction des dossiers déposés, et au maximum 5 jours ouvrés à partir de la réception du dossier de demande de micro-crédit par le Crédit Municipal. Elle est chargée d’étudier la demande et de valider, ou non, l’octroi et le montant du prêt.
En ce qui concerne les situations de surendettement : dès lors que le dossier est validé, le crédit municipal joint une lettre d’appui à cette demande qui est transmise par la personne à la Commission départementale de surendettement avec une lettre motivée et le dossier de MCP. L’accord de la commission conditionne l’attribution du prêt. Si le nombre de prêts demandés par des personnes fichées à la Banque de France est supérieur à celui accepté par la CDC, une négociation est engagée avec celle-ci et le cas échéant le CCAS engage la totalité de la garantie requise.
Vie du prêt :
L’usager doit jouer un rôle actif dans la détection des difficultés qui pourraient menacer la réussite du projet. La Conseillère en Economie sociale et familiale reste son interlocuteur privilégié. Après l’obtention du prêt, le CCAS ne fera pas systématiquement d’accompagnement. Seules les personnes qui sont déjà suivies par un travailleur social continueront d’être accompagnées. Pour les autres, la conseillère en économie sociale et familiale jugera s’il est nécessaire ou non de les accompagner.
Si le Crédit Municipal constate un impayé, il en informe par courrier l’emprunteur, ainsi que le CCAS par mail. Si l’incident est ponctuel, un report de l’échéance en fin de prêt est possible. En cas d’incident, le Crédit Municipal de Lyon prévient le CCAS puis engage une procédure de recouvrement classique (mise en demeure, injonction de payer…). En dernier recours, si l’emprunteur n’arrive pas à rembourser son prêt, un fonds de garantie est prévu.
La formation du personnel :
Deux journées de formation ont été organisées pour l’ensemble des agents impliqués dans le dispositif (soit 17 personnes). Les sessions ont abordé les outils mis en place pour le micro-crédit, mais aussi toutes les questions relatives aux crédits (consommation, revolving…) et celle du surendettement (données statistiques, présentation de la procédure de surendettement… Des journées de formation complémentaires sont programmées pour ces agents en 2010 sur le surendettement et l’accompagnement budgétaire.
Communication sur le dispositif :
L’objectif de la communication était d’assurer la connaissance la plus large possible du dispositif par la population grenobloise. Différentes actions de communication ont donc été faite :
Conférence de presse le 7 mai 2009 avec le Crédit Municipal de Lyon, l’Agence Nouvelle des Solidarités Actives, la CDC,
Interviews en mai et juin d’Olivier Noblecourt, Vice Président du CCAS sur différentes radios,
Reportage télévisé diffusé sur une édition locale d’un journal télévisé,
Diffusion de plaquettes et d’affiches dans les établissements publics de la Ville de Grenoble et via certains bailleurs sociaux,
Une rencontre avec les prescripteurs potentiels (or ceux liés à l’action sociale),
Création d’un numéro d’appel unique.
Bilan
Entre juin et décembre 2009, la plateforme téléphonique a enregistré 692 appels. Depuis le mois de juin, 42 micro-crédits ont été accordés. Cette efficacité est principalement due au système d’insctruction permettant des traitements courts d’une semaine à dix jours.
Ce projet de « micro-crédit personnel » se différencie de la plupart des autres programmes du même type déjà mis en place ailleurs dans la mesure où l’octroi du crédit est peu soumis à condition. En effet, les procédures ont été simplifiées au maximum : pas de caution, pas de plafond de revenu... De plus, le CCAS de Grenoble est un des premiers à garantir le risque pour les personnes fichées. Grâce à sa souplesse, ce programme répond aux besoins de certaines personnes qui jusque là, ne pouvaient prétendre à ce type de crédit.
Moyens
Moyens humains :
1 chef de projet,
11 conseillères en économie sociale et familiale (1,5 ETP),
2 chargées d’aide sociale (0,5 ETP),
2 secrétaires (0,2 ETP).Budget : 160 355 euros
Coût fonctionnel : 220 euros par dossier
Les partenaires
Partenaires opérationnels
L’ANSA, La Caisse des dépôts et des consignations, Le crédit municipal de Lyon.
Ils financent l'action
La Caisse des dépôts et des consignations.
Les observations du CCAS/CIAS
Cet outil innovant vient compléter les dispositifs d’aides sociales et d’accompagnement déjà existants. Il contribue à lutter contre l’exclusion et les inégalités sociales.
Pour commencer, le « micro-crédit personnel » est accordé en priorité aux demandes liées à la mobilité. A terme, il est probable qu’il s’étende à d’autres besoins comme ceux relatifs à la scolarité des enfants par exemple. Dans le cadre de sa deuxième phase, le CCAS entend se rapprocher d’autres organismes financiers pour qu’ils développent à leur tour des offres de micro-crédits.
Photo : Wikimedia Commons / Jörg Sancho Pernas