A la suite de sa participation active au Comité de Pilotage de l’étude conduite par le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) et le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), l’Unccas a assisté au séminaire de restitution d’octobre consacré aux logements alternatifs proposés aux personnes âgées en vue d’offrir une palette de réalisations et ainsi d’inspirer de futurs porteurs de projets partout en France.
Les problématiques du vieillissement et de l’autonomie des personnes figurent à l’agenda des politiques publiques et au cœur de l’actualité. L’étude conduite par le Cerema (établissement public tourné vers l’appui aux politiques publiques, placé sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales) et le PUCA (agence interministérielle destinée à faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes, ainsi qu’éclairer l’action publique), avait pour objectif de mieux connaître et de mieux cerner les possibilités de logements pouvant être une alternative au logement à domicile ou au logement institutionnel, ainsi que d’en cerner les difficultés, les freins, les points forts, ou encore les dynamiques positives.
Dans un contexte récent législatif et de nombreuses missions mandatées par l’Etat (création du forfait habitat inclusif fin 2018 ; Rapport Libault en 2019 ; Rapport Piveteau et Wolfrom de juillet 2020 ; loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie ; Rapport Vachey de septembre 2020…) avec de nouveaux logements alternatifs apparus ces dernières années mal connus du grand public, le Séminaire, comptant 150 inscrits, visait à répondre à deux interrogations majeures :
- Comment développer cette offre alternative sur le territoire ?
- Comment l’étoffer ?
Les enseignements de l’étude
Sur la base des 15 monographies réalisées disponibles sur les sites du PUCA et du Cerema (liens figurant ci-dessous), Emmanuelle Colléter, chargée d’études habitat au Cerema, a exposé les quatre principaux enseignements de cette étude.
Premier enseignement : une architecture adaptée qui intègre des espaces partagés
- Des logements sécurisants pour les habitants, ainsi que leurs proches : adaptés, accessibles ou prévus pour l’être, pensés pour faciliter les gestes de la vie quotidienne ;
- Un habitat combinant des logements privatifs et des espaces communs destinés à partager des activités.
Deuxième enseignement : des projets dans lesquels le lien social est central
Avec une intensité variable, les lieux de vie prévoient :
- des services
- un accompagnement
- des activités et des animations
Troisième enseignement : des coûts supportables pour les habitants
Le coût moyen global des logements est de 670 €. Ces coûts comprennent les loyers, les charges, et les coûts de fonctionnement.
Les coûts peuvent être réduits par :
- Les aides publiques et privées
- Les différentes formes de mutualisation
- Les cadres juridiques hybrides
Quatrième enseignement : une pluralité d’acteurs qui garantit le rôle central des habitants
- Des logements « faits par », « faits pour », ou « faits avec » les personnes âgées
- Une volonté d’écoute des habitants et de faire avec eux
- De l’ingénierie de projet au collectif solidaire, des initiatives où les habitants ont un rôle à part entière et où ils restent maîtres de leur vie.
Le programme expérimental Octave
Grégory Delahaye, chargé de mission Hébergement – Habitat Adapté – Handicap et Vieillissement au sein de la Métropole Européenne de Lille, a présenté le Programme expérimental OCTAVE, programme de logements accompagnés orienté vers « un meilleur soutien à domicile des personnes ».
Les spécificités de cette offre sont les suivantes :
- Un logement de moyenne surface (type T2 bis 50/55 m2) ;
- Une offre fléchée pour un public autonome à l’entrée souhaitant s’entraider et bénéficier de réponses adaptées en âge ;
- Un logement adapté et adaptable, doté d’un espace d’appoint pour un proche ou un éventuel aidant ;
- Un logement intégré dans un ensemble plus vaste favorisant la mixité sociale au sein de l’immeuble : proximité et lien de voisinage recherchés ;
- Un logement se voulant inséré dans le quartier avec une certaine proximité des commerces et des équipements (transports, services, etc.) ;
- Un domicile accompagné, du fait de l’intervention régulière d’un Service dédié : le SAVELA (Service d’Accompagnement du Vieillissement/Programme OCTAVE).
Ce programme comporte 72 logements aujourd’hui répartis sur 9 sites (8 logements par site).
Le parcours logement intégré du CCAS de Lomme (59)
Claudie Lefebvre, adjointe à la Mairie de Lomme et vice-Présidence du CCAS, a décrit le parcours logement intégré du CCAS de Lomme proposant de développer une « boîte à outils locale » permettant une prise en compte et un accompagnement des seniors exprimant ou se projetant dans un parcours résidentiel adapté, avec plusieurs objectifs.
Qualifier et outiller le personnel du CCAS à la prise en charge spécifique du « parcours logement seniors »
- Former le personnel du CCAS à l’accompagnement de la demande de logement social dédié aux séniors ;
- Mettre en place un guide d’entretien logement pour les agents d’accueil seniors (CCAS) ;
- Mettre en place des temps d’échanges CCAS/Service Habitat Ville autour des dossiers déposés ;
- Valoriser l’accompagnement social proposé par le CCAS pour les seniors.
Mieux connaître et accompagner la question du logement sénior
- Déléguer l’information et la formulation de la demande de logement social à l’accueil senior du CCAS ;
- Organiser en transversalité entre les équipes CCAS et Habitat – Logement des « Rendez-vous », sous forme de conférences présentant aux séniors les nouveaux programmes, le parc existant et la politique seniors menée par les bailleurs sociaux ;
- Assurer une veille en questionnant les publics sur les besoins en matière de logement ;
- Mettre en place des ateliers pour échanger avec des petits groupes de séniors, sur le maintien dans le logement en association avec les acteurs locaux (hôpitaux, associations de prévention, Maison de l’habitat durable…).
Renforcer les liens avec les bailleurs sociaux en amont (outils de programmation logement) et en aval jusqu’à l’accompagnement de l’adaptation
- Influer sur les outils de programme de logement « seniors » en définissant une charte du « bien vieillir à Lomme » avec les bailleurs sociaux ;
- Organiser des synthèses bailleurs/CCAS sur les situations problématiques de séniors dans le logement ;
- Développer et promouvoir les outils « logement » du maintien à domicile sur la Ville.
Dans le cadre d’un partenariat avec la Maison des Seniors, une mallette de maintien à domicile customisée par des jeunes des quartiers prioritaires a été créée. Elle contient différents petits objets pouvant permettre le maintien à domicile à faible coût (enfile bas, chemins lumineux, ouvre boîte, ouvre bouteille…).
Une action innovante en matière de précarité énergétique a également été développée : un accompagnement social spécifique, ainsi qu’un logement en direction des publics confrontés à la précarité énergétique en situation de mal-logement.
Le Parcours logement intégré du CCAS de Lomme a été lauréate de la bourse aux initiatives lancée par l’Unccas et AG2R la Mondiale en 2017, pour favoriser le logement et l’hébergement des personnes âgées, des personnes handicapées vieillissantes et des personnes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle.
La vidéo de présentation
Présentation du rapport Piveteau-Wolfrom
A l’heure où l’habitat partagé existe partout sur le territoire sous des formes variées, Denis Piveteau, président de la Fédération Simon de Cyrène a présenté le rapport issu de la mission qui lui a été confiée avec Jacques Wolfrom, directeur général du Groupe ARCADE, afin de proposer une « stratégie nationale pour le déploiement à grande échelle de l’habitat inclusif » .
L’habitat « Accompagné, Partagé et Inséré dans la vie locale » (API), a pour projet de permettre de « vivre chez soi sans être seul », en organisant, dans des logements ordinaires aménagés à cette fin, regroupés en unités de petite taille, une solidarité de type familial, sécurisée en services, et ouvertes sur l’extérieur.
Ecartant l’approche qui aurait consisté à poser d’abord une définition juridique du « logement inclusif » (API), pour en déduire l’ensemble des aides ou dispositifs applicables, le rapport propose, en renversant la logique, de mettre en place une « boîte à outils » d’aides financières, de facilités juridiques ou d’appuis techniques mobilisables par un projet d’habitat « accompagné, partagé et inséré dans la vie locale », dès lors que ce projet remplira les conditions requises.
L’objectif central reste l’émergence – par construction neuve ou transformation de logements existants – de logements ordinaires insérés dans des espaces d’habitat ordinaire, adaptés pour ajouter à leur fonction de domicile, une fonction nouvelle de lutte contre l’isolement, ainsi que des services d’aide à la personne.
En partant des douze principaux « freins » identifiés, la mission a bâti ses propositions reposant sur de grands fils conducteurs :
- Partir de la personne en donnant les moyens à un groupe de personnes d’avoir la possibilité d’un choix et d’une maitrise de son projet ;
- Partir du logement, plutôt que du handicap ou du grand âge, et d’accompagner des choix de vie ;
- Jouer un rôle de catalyseur de certaines transformations nécessaires de l’offre médico-sociale, en y associant une démarche d’évaluation et d’amélioration permanente.
Les douze principaux « freins » identifiés par le rapport Piveteau-Wolfrom
- Manque de sécurité dans le long terme, crainte des administrations d’un contrôle moins efficace ;
- Habitants qui n’ont pas les moyens de financer les fonctions de régulation de la vie collective ;
- Difficulté de financer des projets de logements API ;
- Nécessité de sécuriser à la fois le prix du logement (loyer) et les coûts de gestion de la « vie partagée » ;
- Coûts d’entretien et de fonctionnement des « espaces communs » ;
- Mobiliser des fonciers en zone urbaine tendue ;
- Diversité des compétences à mobiliser sur de petits projets ;
- Les tensions sur l’offre de services d’aide à la personne ;
- Difficulté à mobiliser le système sanitaire et médico-social ;
- L’absence de « pilote » au niveau local, le manque de visibilité à moyen terme ;
- La crainte des surcoûts importants ;
- Absence d’impulsion nationale.
Les douze « idées pour l’action » proposées par le rapport Piveteau-Wolfrom
- Le recours à une personne morale, Porteuse du Projet Partagé (Personne « 3 P »), lui permettre d’accéder à une « certification » ;
- Créer un droit individuel : l’Aide à la vie partagée (AVP) ;
- Un fonds territorial d’investissement dans le logement API, un prêt aidé spécifique ;
- Fusionner la convention APL et la convention prévoyant le service de la personne 3P ;
- Facturation possible par le bailleur des coûts des espaces partagés, majorer l’APL comme en logement-foyer ;
- Optimiser l’occupation du logement social par des transformations en logement API ;
- Un pôle de ressources national, un réseau de « Communautés territoriales », une « boîte à outils de soutien aux petits projets » ;
- Faire de l’habitat API un instrument d’attractivité des métiers de l’aide à la personne ;
- Faire du déploiement de l’habitat API un soutien à la transformation de l’offre médico-sociale ;
- Consolider le rôle de la « Conférence des financeurs », planification stratégique inscrite dans le PLH et le plan départemental de l’habitat (PDH) ;
- Suivi des effets financiers et des transferts de coûts, avec consolidation nationale (CNSA) ;
- CNSA opérateur national de « maitrise d’œuvre » de l’habitat des personnes âgées et en situation de handicap.
Les propositions du rapport Piveteau-Wolfrom
- Faire bénéficier tout habitant d’un logement API d’un droit individuel sous forme d’une « aide à la vie partagée » ;
- Créer un prêt spécifique pour l’habitat API ;
- Retenir l’idée d’une convention de logement APL API signée par l’Etat, le bailleur, le département et la personne morale porteuse du projet partagé « 3 P » ;
- Créer un pôle de ressources au sein de la CNSA, une communauté des acteurs de l’habitat API et un dispositif d’aide à l’ingénierie ;
- Adapter les SAAD en vue d’acquérir une capacité et des compétences à intervenir en API ;
- Intégrer le déploiement des logements API dans la dynamique d’ensemble de transformation de l’offre médico-sociale ;
- Articuler un niveau de planification stratégique et un niveau de programmation opérationnelle et « contractuelle » en capitalisant sur les outils existants ;
- Confirmer et consolider le rôle de la Conférence des financeurs de l’habitat inclusif.
Témoignage de Patrick Chrétien, habitant coopérateur
Patrick Chrétien a présenté l’habitat coopératif au sein duquel il réside. Compromis entre la propriété individuelle et la location, cet immeuble comprend 16 logements dont 14 logements sociaux (agrément PLS permettant d’accéder à l’obtention de l’APL), et 2 logements en loyer libre dépassant le plafond PLS.
Le financement de ce projet fut difficile au départ car le statut d’habitant coopérateur était méconnu.
D’un montant d’1,5 millions d’€, le financement se répartit comme suit :
- Prêt du Crédit Agricole d’un montant d’1 million d’€ sur 50 ans ;
- Prêt de la Carsat d’un montant de 612 000 € sur 20 ans à taux zéro ;
- 3 subventions d’environ 200 000 € de la région, de la MGEN et d’AG2R la Mondiale
- Les parts sociales : la Banque demandant un apport personnel d’environ 20%, part maximum fixé à 40 000 € (pour ceux pouvant mettre le plus).
Ces différents financements permettent d’obtenir des redevances acceptables. Elle s’élève par exemple à 618,40 € pour un T2 de 47 m2 en PLS : loyer vide (PLS) de 450 € n’ayant pas augmenté depuis 2017, chargés de 28€ (chauffage, eau), CCA (compte courant associé) de 138 € (épargne forcée ; lors du départ de l’immeuble, la part des valeurs sociales mises au départ et la valeur de cette épargne forcée vous sont restituées).
Autre exemple de loyer : avec l’APL, la personne en PLAI paye 28 € de charges et une vingtaine d’euros de loyer. Sur les 4 étages de l’immeuble, les 4 appartements par étage sont tous identiques et adaptés. Tout le rez-de-chaussée est occupé par des locaux communs (salle polyvalente de 70m2, atelier, buanderie, bureau de l’association et de la société). L’immeuble comprend également 3 chambres d’amis (une au RDC et deux dans les étages). Des concerts ou des expositions peuvent avoir lieu dans la salle polyvalente pouvant accueillir 70 personnes.
Les décisions relatives à l’immeuble ne sont pas prises par des votes afin d’éviter de provoquer de la frustration chez les habitants coopérateurs.
Monographie de Soliha Nouvelle Aquitaine d’un domicile groupé pour personnes âgées à Mansle (Charente)
Mansle compte 1658 habitants, dont plus de 52 % de personnes de 60 ans et plus, avec un un bâti vacant au cœur du bourg.
Implantation du projet
- Création d’une extension de 6 logements à une maison de bourg dont la capacité en tant que telle n’était pas suffisante pour développer l’optimum (autour de 8 logements pour atteindre un équipement suffisant notamment pour le financement d’une salle commune), extension financée d’une manière différente par rapport à la partie réhabilitée
- 6 logements indépendants des espaces partagés (salles, jardin, terrasse)
- Ascenseur
- Accès maison de retraite à proximité. Possibilité de portage de repas, de soins
Les habitants
- Réception de candidatures 2 ans avant le démarrage des travaux
- Succès de ce type d’habitat (liste d’attente)
- Profils variés : dossiers transmis par la mairie, places réservées par des organismes de retraite partenaires comme Agirc-Arcco
- Choix en fonction du revenu et du repérage de situations d’isolement
Les projets en Nouvelle Aquitaine
15 projets réalisés ou en cours de réalisation, soit 105 logements.
Triptyque du domicile regroupé SOLIHA – social/urbain/politique
Montage d’un projet social innovant et fédérateur
- Logement sécurisé confortable à moindre coût ;
- Co-veillance entre les habitants – partage ;
- Ralentissement du vieillissement ;
- Création de nouvelles manières d’habiter dans un tissu ancien ;
- Création de liens sociaux et environnementaux.
Une intégration urbaine exemplaire
- Intégration en dent creuse dans le tissu urbain ;
- Réutilisation de bâtiment, plutôt que destruction et reconstruction ;
- Lutte contre la vacance, revalorisation du bâti (patrimoine).
Impulsion forte du politique dans le projet
- Politique comme porteur du projet social (communication, accompagnement du projet d’un point de vue de ses compétences urbanismes, négociations, etc.) ;
- Politique comme financeur (garantie d’emprunt, subvention d’équilibre).