Entretien avec Joëlle Martinaux : "Prendre en compte davantage la dimension relationnelle et psychologique des seniors"

Bien-vieillir
Publié le 1 juin 2016
Interrogée par le mensuel des Maisons de Retraite, Joëlle Martinaux, Présidente de l'UNCCAS et Vice-Présidente du CCAS de Nice, est revenue sur les actions menées dans cette ville pour l'inclusion sociale des personnes âgées.
Quel rôle peut jouer une ville comme Nice dans la lutte contre l’isolement et la détresse psychologique des personnes âgées vivant à leur domicile ?

La Ville de Nice compte 97 521 personnes de plus de 60 ans, soit un tiers de sa population. Parmi ces personnes, le rapport MONALISA fait apparaître que 41 915 personnes de plus de 55 ans vivent seules. En 2013, la mission interministérielle sur l’Adaptation de la Société au Vieillissement dite loi ASV met en exergue le rôle de « chef de file » que doivent jouer les CCAS dans la lutte contre l’isolement des seniors. Or le CCAS de Nice, qui accompagne les seniors dans sa globalité en répondant aux besoins d’hébergement (EPHA-EHPAD), de maintien à domicile (aide à domicile, soins infirmiers, repas à domicile…) et de prise en charge médico-psycho-sociale par le Service d’Information et d’Accompagnement des Seniors (SIAS), œuvre aussi depuis bien longtemps à la lutte contre l’isolement des personnes âgées.

Son rôle est d’ailleurs d’animer et de coordonner un réseau de partenaires dans la recherche de bénévoles et la mise en place d’activités et de « cultiver » la notion de regard citoyen. Depuis 2003, le CCAS s’est vu confier par la municipalité la mission de recenser les personnes fragiles isolées de son territoire par la mise en place et la tenue du registre des personnes isolées. En 2005, dans l’écho d’une étude sur l’isolement des personnes âgées, le CCAS a mis en place le service de lien social. Un service qui a vocation d’apporter d’une part un soutien relationnel auprès des personnes sous la forme individuelle et/ou collective et d’autre part de proposer l’intervention d’un psychologue. Une intervention qui vise à prévenir et accompagner le processus de vieillissement de la personne susceptible d’être en souffrance psychologique (dépression, perte d’autonomie, deuil, conflit familial, psychopathologie vieillissante).

Le CCAS a le souci de prendre davantage en compte la dimension relationnelle et psychologique des seniors, dans la perspective d’accroître l’accompagnement de la qualité de vie des personnes âgées vivant à domicile.

Concrètement, de quelle manière intervient votre service de lien social au domicile des personnes âgées ? Quelle palette de services ? Une gradation des interventions selon l’évolution des situations ?

Le service de lien social intervient auprès de cette population selon 2 grands axes :

  • la rupture de l’isolement, la restauration du lien social,
  • l’animation individuelle et collective.

Les interventions à domicile se font sous la forme de visites de convivialité qui sont un moment d’échanges et également de repérage de besoins à raison d’une heure et demie (soit 2 par demi-journée) ou par demi-journée dans le cas de la nécessité d’un accompagnement extérieur ponctuel. Selon l’évolution des situations, des étroits partenariats sont menés avec les autorités de tutelle, au 1er chef desquelles : le Conseil Départemental mais également l’ARS, des associations qui mènent des actions coordonnées et complémentaires ou vers des dispositifs : Voisin’âge, Uniscités, Intergénéreux, toujours en accord avec la personne.

Selon les nécessités, des orientations sont faites sur des prestataires relevant du secteur public ou associatif (aide à domicile, repas à domicile, psychologue, infirmiers, services sociaux…). Le lien social est favorisé grâce au maillage de ces acteurs associatifs, qui aux côtés de la ville et des acteurs institutionnels complètent et prolongent les actions souhaitées.

L’animation se fait en lien avec les établissements du CCAS, les centres culturels et en adéquation avec les évènements dans l’idée de réinscrire la personne dans la vie de son quartier (semaine bleue, téléthon, fabrication d’objets pour ces circonstances, participation à des activités théâtre et acteurs dans des comédies musicales…).

Un véritable lien se créé lors d’appels téléphoniques réguliers effectués dans le cadre de la tenue à jour du registre permettant d’assurer un suivi de proximité.

Au regard de l’angle de notre dossier, ce qui m’intéresse particulièrement, c’est l’intervention d’un psychologue à domicile (qui permet notamment selon vous de faciliter la mise en place de prestations de maintien à domicile). Qui en fait la demande ? Comment se met-elle en place ? Quel financement ? Quels partenariats (coordination gérontologique qui fonctionne bien ?) et quels liens avec les autres acteurs accompagnant les personnes âgées, en particulier avec les services d’aide à domicile ?

Le psychologue a un rôle fondamental et non « substituable » dans l’accompagnement social. Il peut intervenir à la demande des proches et/ou professionnels de l’entourage de la personne âgée. Le plus souvent il s’agit des professionnels qui interviennent au domicile. Ces derniers, dans leur pratique quotidienne, sont amenés à rencontrer et vivre directement la souffrance ou la détresse psychologique de la personne âgée. C’est dans ce contexte, qu’avec l’accord de la personne, une demande d’intervention du psychologue peut être formulée auprès du SIAS territorialisé. Il est à savoir que l’intervention du psychologue est gratuite et qu’à se titre c’est une intervention qui ne peut qu’être temporaire et ne peut revêtir le caractère d’un suivi à long terme.

Suivant le type de demande, la précieuse intervention du psychologue peut prendre 3 formes qui peuvent se conjuguer ou pas sur une même situation :

  • apporter un soutien psychologique par le biais d’entretiens à domicile au cours desquels le psychologue amène la personne à s’exprimer, échanger et travailler sur sa souffrance psychique et les facteurs qui peuvent l’alimenter.
  • amener la personne âgée à s’approprier certaines prestations (aide à domicile etc …) ou perspectives (admission EHPAD …) auxquelles elle adhère plus ou moins difficilement. Et inversement, apporter des éléments de compréhension et d’intervention aux professionnels ou aidants naturels pour comprendre et aborder plus sereinement la personne âgée en difficulté.
  • proposer une expertise afin d’évaluer la nécessité et le type de réorientation que peut susciter la situation de la personne en souffrance (Pôle Territoire de Psychogériatrie, Centre Médico Psychologique, Centre mémoire…)

Dans le souci de l’accompagnement de la personne dans sa globalité, l’intervention du psychologue (dans le respect du secret professionnel et du secret partagé) s’effectue toujours en relation avec le service signalant et partenaires. Une coordination peut-être réalisée soit directement auprès d’un prestataire (aide à domicile par exemple), soit auprès des équipes sociales, du Centre Hospitalier Universitaire ou des plateformes gérontologiques existantes sur le ville.

Photo : Wikimedia Commons / Tobi 87

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