J'ai compris, mais plus tard...
Actualités

EHPAD : la Cour des Comptes appelle à des réformes structurelles

EHPAD : la Cour des Comptes appelle à des réformes structurelles

En marge des pratiques dénoncées dernièrement dans Les Fossoyeurs, la Cour des comptes s’est penchée dans son rapport annuel 2022 sur les limites des Ehpad déjà soulignées par la crise. Pénurie de médecins, absentéisme élevé, locaux inadaptés : face à ces dysfonctionnements, elle appelait déjà à des réformes structurelles... L’UNCCAS revient sur ces recommandations.

Un peu plus de 600 000 personnes résident dans l’un des 7 500 établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La crise sanitaire a particulièrement frappé les résidents des EHPAD : près de 34 000 d’entre eux sont décédés du fait de la pandémie entre mars 2020 et mars 2021. Cette vulnérabilité particulière ne s’explique pas seulement par la fragilité des résidents.

Elle résulte également des difficultés structurelles des Ehpad. A l’issue d’une enquête portant plus largement sur la qualité des prises en charge médicale dans les Ehpad, il est apparu utile à la Cour des comptes de rendre compte de l’impact de la crise sanitaire sur ces établissements et des facteurs de vulnérabilité qui l’expliquent. L’Unccas revient sur l’appel à une évolution en profondeur du modèle même des Ehpad lancé par la Cour des comptes, dans son rapport annuel.

Afin de faire face aux conséquences immédiates de la crise sanitaire sur les établissements, la crise sanitaire a été l’occasion d’une mobilisation nouvelle avec des soutiens financiers importants décidés par l’Etat et l’émergence de bonnes pratiques des acteurs du secteur médico-social.

Au plan local, de bonnes pratiques ont émergé. En vue d’améliorer la prise en charge médicale des personnes hébergées dans les Ehpad, des dispositions pertinentes, selon la Cour des comptes, ont commencé à être pérennisées : montée en puissance des filières gériatriques, présence plus importante des équipes d’hospitalisation à domicile dans les établissements, renforcement du temps de présence médical, etc.

Néanmoins, ces évolutions ne se sont pas accompagnées des réformes structurelles d’envergure nécessaires : insuffisance de la prise en charge médicale, fortes tensions sur les ressources humaines, faible insertion dans les réseaux de soins et, parfois, difficultés liées à l’inadaptation des locaux.

UN LOURD IMPACT DE LA CRISE SUR LES PERSONNES ÂGEES…

Entre la première et la troisième vague, la gestion de la pandémie s’est améliorée. Les deux premières vagues se sont soldées par un nombre équivalent de décès dans les Ehpad (un peu plus de 14 500 pour chacune d’entre elles).

La présence d’équipements de protection individuelle (EPI) et de tests, la connaissance des protocoles et les partenariats sanitaires n’ont pas suffi à réduire le nombre de décès. Les premières études épidémiologiques ont toutefois conclu à une mortalité en réalité un peu plus élevée.

Les Ehpad ont été très inégalement frappés selon leur implantation géographique. La première vague s’est concentrée dans deux régions (Ile-de-France et Grand Est) en ne durant que quelques semaines et étant caractérisée par une pénurie d’équipements de protection individuelle, le manque de tests et des protocoles particulièrement drastiques. La deuxième vague a été plus durable et plus étendue géographiquement.

Les mesures prises ont mieux tenu compte des réalités territoriales et respecté la liberté d’aller et venir des résidents et l’accès des familles. Il existe encore peu de travaux épidémiologiques pour expliquer pourquoi, dans une même zone géographique, certains Ehpad ont été plus touchés que d’autres. Le manque de ressources humaines, l’inadaptation des locaux, l’intervention tardive des mesures préventives et de contrôle ressortent parmi les facteurs de risque dans la propagation du virus.

Les conséquences physiques et psychologiques de la crise sur les personnes âgées ont été importantes  : augmentation de l’anxiété, apparition ou accentuation des troubles du comportement, de la douleur, de la perte d’autonomie, déficit alimentaire, etc.

Certaines mesures ont été particulièrement mal vécues par les familles et les équipes des Ehpad : celles relatives à la fin de vie et à la mise en bière immédiate sans toilette du corps. Au cours des vagues épidémiques, la prise en compte des préoccupations d’éthique dans les Ehpad : activation des espaces de réflexion éthique régionaux (Erer), initiatives des ARS, réflexions au sein des groupes d’Ehpad, Charte éthique et accompagnement du grand âge. La liberté d’aller et venir au sein des Ehpad a également évolué au fil de l’épidémie.

L’impact psychologique de la crise a également été important pour les personnels, confrontés à la gestion de situations complexes.

AMPLIFIE PAR LES FRAGILITES STRUCTURELLES DES EHPAD…

Face à l’évolution des profils des résidents, les ressources médicales s’avèrent insuffisantes. En 2019, selon la Drees, 35% des résidents des Ehpad étaient âgés de plus de 90 ans ou plus alors même qu’ils n’étaient que 29% quatre ans plus tôt. Le niveau de dépendance des résidents s’accroît, tout comme leurs besoins médicaux. En 2015, 260 000 personnes âgées résidant dans un Ehpad (+ de 40% de l’ensemble des personnes accueillies dans ces établissements) étaient recensées comme atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.

La prise en charge sanitaire des résidents reposant à la fois sur les soins dispensés dans les Ehpad, sur l’intervention de la médecine de ville et sur les partenariats avec des établissements de santé présente de notables faiblesses : vacance de poste de médecin coordonnateur, temps de médecin coordonnateur inférieur aux seuils réglementaires, pénurie de médecins traitants se rendant en Ehpad, application parfois non effective des partenariats conclus avec les établissements sanitaires.

De fortes tensions sur le personnel sont également préjudiciables à la qualité des prises en charge. Selon l’enquête Ehpad Drees (2015), sur les 377 000 ETP que comptent les Ehpad, les médecins représentent moins de 1%, les infirmiers 11% et les aides-soignants 33%. Les Ehpad ne sont, dès lors, pas à proprement parler des lieux médicalisés, mais des lieux de vie dans lesquels un certain niveau de soins doit être accessible.

La plupart des Ehpad sont en proie à des difficultés plus ou moins aiguës en matière de ressources humaines. Le taux d’absentéisme est élevé, avec une médiane nationale de 10% selon l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap). Les taux de rotation du personnel soignant sont également élevés. L’instabilité des équipes rend difficile la formation et la montée en compétence du personnel.
Lieux de proximité, les locaux des Ehpad sont parfois inadaptés, voire vétustes  : 15% des Ehpad sont installés dans des bâtiments de plus de trente ans et leur configuration architecturale n’a pas toujours permis la mise en place de zones covid-19 séparées, ni l’isolement des résidents atteints par la maladie.

Seuls 45% des Ehpad s’avèrent à même de ne proposer que des chambres individuelles. A l’exception de ceux faisant partie d’établissements de santé, tous les Ehpad ne sont pas équipés de systèmes de distribution de gaz médicaux (notamment d’oxygène).

Le cumul des difficultés peut susciter de réels problèmes de qualité de prise en charge, hors situation de crise…

APPELANT DES REFORMES STRUCTURELLES

Au cours de la pandémie, les Ehpad ont bénéficié d’aides conjoncturelles sans précédent, décidées par l’Etat et financées par l’assurance maladie. Des financements supplémentaires ont été engagés dans le cadre du Ségur de la santé et du plan France Relance. Cet effort financier aurait pu être l’occasion pour l’Etat d’engager des réformes structurelles trop longtemps différées, selon la Cour des comptes. Ce ne fut pas le cas.

Au-delà de cet effort financier considérable, un certain nombre de mesures prises face à l’urgence mériteraient d’être pérennisées :

  • L’activation et le renforcement des filières gériatriques : hotlines gériatriques et de soins palliatifs, augmentation des plages d’ouverture, la mise en place d’équipes mobiles ou la création de nouveaux dispositifs.
  • L’assouplissement des conditions d’admission et le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD).
  • L’accélération du déploiement des équipes mobiles de gériatrie (EMG).
  • Les équipes mobiles d’hygiène et les centres d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPIAS).
  • Le renfort en médecins et infirmiers libéraux.

L’apport du numérique est également à amplifier. Dans les Ehpad, la pandémie a favorisé le développement rapide du numérique pour maintenir les rapports avec les familles, effectuer des téléconsultations et permettre la remontée d’informations.

Néanmoins, ces mesures sont insuffisantes pour remédier aux faiblesses structurelles des Ehpad.

LES TROIS RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES

1.Consolider les relations de partenariat nouées pendant la crise entre ARS, Ehpad et établissements de santé, notamment en articulant mieux les plans bleus et les plans blancs, dans le cadre territorial (ministère de la santé et des solidarités) ;

2. Favoriser l’insertion des Ehpad dans un réseau (adossement à un établissement de santé, insertion dans un groupe, participation à un groupement de coopération médico-social) dans le cadre de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (établissements, ARS, conseils départementaux) ;

3. Accélérer la mise en place des réformes structurelles, en identifiant au préalable l’impact de l’utilisation des trois principaux leviers de réforme : autorisations, CPOM et tarifs (ministère de la santé et des solidarités).

Retour en haut de page