Auto-réhabilitation accompagnée

Logement
Europe et international
Publié le 1 juillet 2003

Elements clés

Contexte

Au cours d'une journée d'étude sur l'autoproduction, organisée par le PADES (Programme d'Autoproduction et Développement Social) et la Fondation de France, Véronique Fayet, adjointe au Maire de Bordeaux, a lancé un appel pour susciter, de la part des élus, l'émergence d'opérateurs compétents dans l'accompagnement à l'auto-réhabilitation et démarrer une expérimentation au niveau national. Bordeaux, Les Mureaux, Le Havre et Perpignan, grâce au soutien de plusieurs institutions nationales parmi lesquelles : la DGUHC (Direction Générale de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Construction), la Caisse des Dépôts et Consignations, et la Fondation de France, se sont engagées dans la création d'un service d'auto-réhabilitation accompagnée. La phase de montage des projets, débutée en 2002, a duré deux ans. Le démarrage opérationnel des actions s'est fait, selon les sites, entre juillet 2003 et septembre 2004.

Description


Présentation de l'action


L'objectif principal est l'accompagnement social des familles en difficulté, au sein d'un projet collectif d'amélioration, d'adaptation et d'entretien de leurs logements. Au-delà de l'amélioration physique du logement, sont visés la resocialisation et la dynamisation des bénéficiaires, le repositionnement éducatif des adultes et l'initiation des jeunes à la valeur du travail. Deux actions principales sont mises en place dans le cadre du projet.

1. Les ateliers collectifs Il s'agit de la mise en place d'ateliers pratiques d'apprentissage de techniques diverses (bricolage, dépannage, embellissement, économie des charges) animés par un professionnel du bâtiment. Ils donnent aux participants les moyens de réaliser eux-mêmes et correctement des petits aménagements chez eux. Une priorité est donnée aux thématiques qui incitent les participants à diminuer leurs charges et alléger leur budget (électricité, eau, gaz). Au-delà de l'apprentissage des techniques, l'objectif est de retisser du lien social et de rompre l'isolement dans ces quartiers. Les ateliers collectifs ont lieu une fois par semaine ou tous les quinze jours selon les sites. La moyenne par ville est de trente-cinq ateliers par an accueillant une dizaine de personnes environ.

2. Les chantiers d'entraide Il s'agit de l'action charnière du projet. Les chantiers d'entraide sont un moyen d'agir sur les problématiques sociales en partant d'une approche technique.

Depuis le démarrage de cette opération près de deux cents ménages ont pu bénéficier directement de cette action au niveau national.


Moyens


Moyens humains : L'objectif de l'auto-réhabilitation est un accompagnement personnalisé. Ici le technique est au service d'un projet social. C'est pourquoi l'accompagnement doit être à la fois technique et social, individualisé et adaptable aux diverses situations des bénéficiaires.

Il se décompose en quatre fonctions : - fonction de formation : organisation d'ateliers d'apprentissage collectifs. - fonction de coordination sociale : rencontre des bénéficiaires, évaluation de chaque situation avec le partenariat institutionnel, définition de leur projet familial, coordination des interventions. - fonction d'accompagnement technique : définition du projet d'amélioration du logement avec les familles, évaluation des coûts, démarches administratives, montage de financements et/ou relation avec les organismes spécialisés. - fonction d'animation : l'opérateur assure l'encadrement des travaux réalisés sur les chantiers d'entraide, l'organisation des tâches, l'entretien de la motivation, la mise en valeur des acquis, la mise en relation des usagers entre eux.

Moyens financiers : Le budget annuel varie de 100 000 euros à 140 000 euros selon les sites. Il intègre l'accompagnement de quinze à vingt ménages au plus (par site), l'achat de matériaux pour les ateliers et les chantiers, l'animation d'actions collectives, la communication, et l'ingénierie de projet (dossiers de financements, suivi évaluation, bilans).


Partenaires opérationnels


La Ville de Bordeaux, le CCAS des Mureaux et le PLIE, La Ville de Perpignan et le CCAS, La Ville du Havre et le CCAS (pôle insertion et action sociale), La Ville des Mureaux et son service habitat, le CCAS, Selon les sites : la CAF, les espaces territoriaux, les maisons de quartier et les services sociaux référents. Pendant la phase expérimentale de montage des projets locaux, le PADES a assuré l'encadrement méthodologique et l'association nationale des compagnons bâtisseurs était chargée du soutien technique.

Un comité de pilotage national, a réuni pendant cinq ans les représentants des quatre villes participant à l'expérimentation. Animé par le PADES, ce comité de pilotage était le lieu d'évaluation qui a permis l'élaboration d'un guide méthodologique.


Ils financent l'action


Les partenaires financiers varient selon les sites. Les principaux financeurs sont les Villes, les conseils généraux, les Régions, l'Etat (dans le cadre du FIV), l'Europe (Objectif 2, PIC Urban), la Banque Postale en partenariat avec l'UNCCAS (suite à l'obtention du premier prix de l'innovation sociale locale). D'autres financeurs semi-publics ou privés ont été sollicités.

Bilan

Depuis 2003, les services d'accompagnement à l'auto-réhabilitation sont opérationnels sur les sites. Ils ont pu affirmer leur rôle dans les quartiers concernés et mieux adapter leurs actions aux besoins et aux attentes des habitants. Grâce au soutien des partenaires financiers, techniques et sociaux, au professionnalisme des équipes de terrain ainsi qu'à l'investissement des habitants, les résultats sont très satisfaisants. Les objectifs fixés, création du lien social, amélioration du cadre de vie et sensibilisation des familles sur la maîtrise de l'énergie et des ressources non renouvelables, sont présents dans chaque action et les résultats attendus sont en constante progression. Les opérateurs ont désormais atteint leur rythme de croisière et le volume de leurs interventions se stabilise, selon les territoires et les publics, autour d'une quinzaine de chantiers par an et par animateur technique. Au total, nombreux sont les bénéficiaires des chantiers car souvent y participent non seulement le bénéficiaire en titre mais aussi ses enfants et des personnes de sa famille ou de son voisinage.

Tout ceci montre combien l'auto-réhabilitation n'est pas close sur la sphère domestique, mais qu'elle permet au contraire de s'ouvrir au monde extérieur et de retisser des liens. Les ateliers collectifs ont permis au public de se connaître et d'acquérir les savoir-faire de base en matière de rénovation de logement. Sur chaque ville, les partenaires sont très satisfaits des effets de l'action et souhaitent qu'elle s'étende à de nouveaux territoires. L'expérience de ces quatre années confirme que les chantiers d'auto-réhabilitation très sociale fournissent un levier particulièrement intéressant pour lutter contre la crise de l'habiter. En faisant activement participer les habitants à l'amélioration de leur logement, ils permettent non seulement à des personnes aux revenus, et surtout aux savoir-faire, très limités de continuer à occuper décemment leur logement, mais ils fournissent également l'occasion de remettre ces personnes en capacité technique et symbolique de s'approprier leur habitat et de l'entretenir dans la durée. Cependant, l'auto-réhabilitation n'est pas un moyen de produire du logement à moindre coût. Ce n'est pas non plus un outil miracle, à prescrire pour tous les mals logés. Combinant étroitement le technique et le social, l'accompagnement à l'auto-réhabilitation est une démarche qui ne se prête pas à une application automatique. Les effets positifs, on ne peut être certain de les obtenir à l'issue de chaque chantier, et de manière définitive. De fait, l'auto-réhabilitation accompagnée n'est pas forcément recommandable pour toutes les personnes en difficulté sociale connaissant des problèmes de mal logement. Au contraire, les opérateurs savent qu'il y a des ménages pour lesquels cette réponse n'est pas appropriée. Il n'en reste pas moins que des évaluations conduites après l'achèvement des travaux suggèrent qu'on obtient souvent des effets positifs, et de manière durable. Par ailleurs, dans bien des cas, la réalisation de travaux en auto-réhabilitation n'a pas à être envisagée comme une démarche exclusive de toute autre. L'expérience montre qu'elle peut très bien se combiner avec l'intervention d'entreprises du bâtiment. De même les chantiers d'auto-réhabilitation peuvent intervenir à des degrés divers en complément d'autres procédures d'amélioration du logement s'adressant à des publics plus diversifiés : sorties d'insalubrité, OPAH, OPATB, etc.

Observations

L'auto-réhabilitation est :

  • un outil d'adaptation et d'appropriation du logement

Faire des travaux chez soi, c'est un moyen de l'améliorer, de l'adapter à ses besoins et à son mode de vie, de l'embellir et de l'aménager. Même si les travaux réalisés sont modestes, ils aident les personnes en difficulté à mieux maîtriser leur consommation d'énergie et d'eau, à lutter contre les problèmes de santé dus au manque d'hygiène ou à l'insalubrité. Le confort de vie, mais aussi l'amélioration sanitaire et thermique ont des répercussions sur le bien-être et la santé de toute la famille. Le plaisir de vivre retrouvé favorise l'appropriation du logement. Le bénéficiaire est fier du résultat, car il y aura contribué en étant acteur de son chantier. L'amélioration a alors toutes les chances d'être durable car celui qui s'est donné de la peine pour refaire son "chez-soi" a aussi envie de l'entretenir.

  • une démarche d'insertion sociale dynamisante

L'accompagnement social et technique permet de démarrer un projet sur le logement ou de débloquer un projet ancien qu'on n'avait pas pu faire aboutir. Pour mener à bien leur chantier, les personnes en difficulté mobilisent leur énergie et leurs ressources. C'est aussi une occasion d'apprentissage de l'autonomie. La définition technique du projet, le choix des matériaux, la conduite du chantier au quotidien sont autant d'occasions de trouver un rythme, de gérer le temps et de prendre des initiatives par rapport aux tâches à effectuer. Le plaisir pris à réaliser une activité concrète, la satisfaction de la réussir et la fierté du travail accompli contribuent à restaurer une image de soi positive. Le travail sur le logement est une activité qui a toujours eu une forte charge symbolique. La maison fonctionne comme une projection du moi : l'aménager ou la bâtir c'est l'occasion de "refaire son intérieur" au sens propre comme au sens figuré. Bien souvent à l'issue d'un chantier d'auto-réhabilitation, fortes d'un renouveau d'énergie, d'une confiance en soi retrouvée et d'une autonomie accrue, les personnes en difficulté ont une capacité plus grande à se projeter dans l'avenir. Elles sont mieux armées pour faire face à leurs autres difficultés : engager des démarches pour clarifier leur situation administrative ou financière, mieux prendre en charge leur santé, ou encore reprendre un projet professionnel en panne. Le désir de se qualifier ou de se requalifier, de travailler la reformulation fréquente d'un projet professionnel, ont fait que nombre de bénéficiaires (en particulier à Bordeaux) ont retrouvé du travail même si ce n'était pas l'objectif premier du projet.

  • un outil d'aide à la famille et à l'enfance

Les effets sur la dynamique familiale se font sentir dans le couple, à travers la mise en œuvre d'un projet commun, mais aussi entre les générations. Le chantier est l'occasion d'une meilleure prise en compte de l'enfant et de lui faire une place : il est courant que les travaux portent sur la création ou l'aménagement d'un espace pour les enfants. Ce sont souvent eux les principaux bénéficiaires de ces chantiers. C'est aussi pour eux un moyen de s'initier au travail, en y participant. Pour les parents, le chantier est l'occasion de leur montrer leur capacité à faire, ce qui va retentir sur leur positionnement éducatif et faciliter ainsi l'affirmation d'une autorité.

  • un support d'intégration social

Le chantier d'auto-réhabilitation accompagnée modifie de manière positive les relations du bénéficiaire avec son environnement : il peut rétablir de liens de confiance avec son propriétaire ou les travailleurs sociaux. Il devient donneur d'ordre économique lorsqu'il faut faire intervenir une entreprise. C'est également l'occasion de renouer un tissu informel de relations, de solidarité, de coopération. Diverses personnes peuvent donner un coup de main : les conjoints, les enfants, les proches, les amis, ou encore le voisinage. Parfois, il faut mobiliser le soutien financier de la famille ou des amis. Le chantier est alors une occasion de développer un capital social et de rompre l'isolement en entrant dans des relations d'échange. Après le chantier, grâce à l'amélioration de son cadre de vie et à l'établissement de nouvelles relations, le bénéficiaire aura plaisir à ouvrir sa maison sur l'extérieur. Il pourra plus volontiers recevoir des visites chez lui, établir des relations de bon voisinage avec les autres sur le mode de réciprocité et du don.

  • une expérimentation à faire connaître

Les élus des CCAS des quatre villes, très enthousiastes des résultats obtenus auprès des familles, souhaitent diffuser cette expérience afin d'essaimer. Lors d'une réunion du comité de pilotage national, Madame V. Fayet a proposé l'organisation d'un colloque en automne 2006 à Bordeaux. Celui-ci, organisé par le PADES, a permis de réunir l'ensemble des acteurs et des partenaires des quatre villes concernées pour faire le bilan et présenter le guide méthodologique sur la création de service d'auto-réhabilitation accompagné en milieu urbain pour indiquer aux porteurs de projets et à leurs partenaires comment s'y prendre.

Photo : Wikimedia Commons / Spedona

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