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Fiche d'expérience

Atelier socio-linguistique : pré-emploi

Atelier socio-linguistique : pré-emploi

Grâce à la volonté municipale, cette action est inscrite dans la durée et des résultats sont palpables au niveau de la promotion de l’égalité des chances, la prévention des discriminations liées à l’origine et le renforcement de la cohésion sociale.

Contexte

La situation géographique et socio-économique du canton (regroupant 9 petites communes) exclut de fait certains migrants, dont beaucoup de femmes. Leurs besoins sont liés à la mobilité-transport, au lien social et à l’emploi (taux de chômage de 14 %).
Ce contexte a été mis en lumière lors d’un diagnostic partagé réalisé en 2010 par le service territorial insertion du conseil général et fait aujourd’hui l’objet d’une démarche de concertation citoyenne thématique. La population immigrée y est importante (9% de la population en région, soit 230 000 immigrés en 2007) essentiellement liée au secteur agricole.

En France, 1/3 des migrants vivent dans des zones rurales. Les problématiques de lien social, d’emploi et de mobilité au cœur du processus d’insertion s’illustrent particulièrement chez ces habitants qui se heurtent à un manque de ressources accessibles et principalement à une absence d’offre de formations. Alors que l’intégration linguistique est au cœur du processus global d’inclusion sociale, culturelle et économique, l’offre de formation n’est accessible qu’aux ayants droit (RSA, chômeurs ou contrat d’accueil et d’intégration) et même pour ces candidats éligibles, les formations restent surchargées ou trop éloignées (dispositifs à 15-35 kms mal desservis). 
Pourtant ces dernières années les exigences de la politique d’intégration et les dispositifs d’accès à la langue se sont développés. Ils restent à mobiliser sur notre territoire pour les habitants migrants aspirant à plus d’autonomie sociale et économique.

Face à ce constat d’isolement tant humain que géographique, la commune d’Aramon s’est engagée dès 2008 en organisant une action d’alphabétisation ponctuelle (intervention de l’association Beaux Repères). Les résultats de cette première action ont mis en évidence ses limites (obtentions du DILF mais usage de langue restant insuffisant). Ainsi le CCAS conscient que seul, l’apprentissage du français n’est pas une fin en soi, propose un projet d’intégration plus global sous la forme d’un atelier sociolinguistique : Pré-emploi est une première expérimentation.

Description / Fonctionnement de l'action

Pour renforcer la cohésion sociale et agir contre les discriminations, le CCAS d’Aramon a expérimenté une formation linguistique d’intégration citoyenne soutenant l’autonomie des migrants isolés sur son territoire rural. Cette démarche d’insertion sociale de proximité et interactive fait évoluer son programme avec son public.

La finalité du projet est double. Il doit former des citoyens plus autonomes, plus critiques, peut-être plus responsables. Mais il doit également faire évoluer les représentations des acteurs locaux et des autres citoyens, sur ces publics et leurs besoins. Pré-emploi est avant tout un espace de formation. Il est aussi un espace de réflexion, sur les questions liées au changement de dynamique identitaire, du fonctionnement de la société ou des processus d’adaptation en situation de migration. La formation est ainsi conçue comme une démarche citoyenne de promotion sociale interactive et de proximité. Ce modèle d’accompagnement dans la maitrise de la langue française, permet aux personnes immigrées du village de s’impliquer durablement dans leur environnement.

L’objectif général pour les participants est d’acquérir une autonomie qui leur permette d’agir de façon harmonieuse dans la société française et de faire des choix pertinents. Cette autonomisation vise l’exercice de responsabilités sociales (en tant qu’habitants, usager, locataires, parents d’élève…) et les démarches familiales quotidiennes (commerces, argent, transport, santé, loisirs…). Elle doit également leur permettre de construire des parcours cohérents et adaptés à leurs souhaits : formation, participation citoyenne, vie professionnelle… 

Ouvert de septembre à juin, l’atelier propose un apprentissage contextualisé du français (pratiques pédagogiques FLE/FLS plus appropriatives que transmitives) au cours de séances sociolinguistiques et à l’occasion de plusieurs actions socialisantes sur les thèmes liés à la vie publique, personnelle ou culturelle. L’atelier est ouvert à tous et l’effectif est peu aller de 15 à 25 personne selon les périodes. Sur l’année environ 30 personnes sont inscrites. A chaque thème/action correspondent des contenus facilitateurs transmis par la formatrice et des médiations « autonomisantes » (informations utiles, actes de langage, mises en situation) animées avec l’appui d’intervenants ou partenaires dédiés. Des grilles de compétences associées, servent d’instruments à l’évaluation de l’autonomie de chaque participant. A l’issue de l’action, une évaluation sommative des compétences sociales en communication acquises ou en cours d’acquisition mesure le niveau des participants. Une attestation de formation leur est remise. Des ateliers de préparation au teste d’accès de la nationalité française sont organisé par la référente du projet. Grâce à plusieurs outils tels que livres, CD, livre du citoyen ou encore la Charte Nationale, la référente fait en sorte de donner toutes les cartes aux bénéficiaires pour réussir leur test.

Afin d’offrir une fréquence suffisante et en tenant compte du nombre et de la disponibilité des participants, le CCAS propose 12 heures de formation hebdomadaire (6 séances de 2h) hors vacances scolaires (de nombreuses mamans participent à la formation). Le programme pédagogique se déroule progressivement (phases de découverte, d’exploration, d’appropriation et de transposition) et propose des exercices différenciés selon les niveaux et/ou intérêts personnels. Cette organisation et méthodologie se révèlent très pertinentes pour un groupe hétérogène d’adultes migrants.

Enfin, le dernier objectif, connexe de l’atelier étant de servir d’outil d’expérimentation sociale, ses résultats ont été évalués. La coordinatrice, à travers la mise en place d’outils de suivi et d’évaluation du fonctionnement de l’atelier, a réalisé un bilan mettant en exergue les points positifs et négatifs en vue d’une correction ou d’une généralisation.

Bilan

19 migrantes ont suivi la formation, dont 13 de façon régulière alors que la capacité de la formation était de 25 apprenants, femmes et hommes.

La participation est exclusivement féminine. Bien qu’il n’y ait pas de critère de genre, les bénéficiaires accueillis sont des femmes. Aujourd’hui l’atelier évolue en un dispositif vise prioritairement le public le plus discriminé et les femmes. Il rassemble 25 inscrits dont 4 hommes. 

La biographie langagière des participants indiquaient un rapport à la langue française insuffisant pour communiquer simplement et sans craintes, peu d’espaces sociaux étaient fréquentés de façon autonome. Aucune des participantes ne bénéficiaient d’une insertion professionnelle. Pour toutes, des difficultés devaient être surmontées : mobilité, disponibilité, représentation sociale… 

Les bénéficiaires se sont impliquées rapidement dans la formation grâce aux principes de la méthodologie et leur assiduité a permis à chacune de progresser selon ses capacités : connaissances mobilisées, apprentissages transposés à d’autres situations, démarches individuelles abouties, prise de responsabilité tel bénévolat.
A l’issue de la formation les progrès individuels sont visibles situant le groupe à un niveau supérieur. Les compétences sociolinguistiques acquises ont permis de lever des freins (garde d’enfants, demande de logement, santé, préparation au permis de conduire). L’accompagnement individuel du CCAS pour ces participants a été facilité par une plus grande implication dans leurs parcours. Alors qu’au départ l’absence de projets personnels semblait caractériser les participantes. Aujourd’hui, toutes ont un objectif personnel soutenu par la réussite de la formation. Pour les plus âgées, la socialisation est visée. Les autres projettent la recherche d’un emploi ou l’obtention du permis de conduire.

Globalement, Pré-emploi a été une expérimentation positive. Une nouvelle action sociolinguistique a été programmée dès septembre 2012. Les objectifs de la formation ont été redéfinis avec ceux des participants. Pré-emploi doit soutenir les apprenants dans leurs parcours d’insertion professionnelle.

Moyens

Le CCAS met à disposition les moyens matériels utiles : salle de cours, bureau, équipement informatique, téléphonie et copieur. 

Moyens

Moyens humains

  • une dizaine d’agents municipaux collaborent (communication, RH, finance, agent d’entretien),
  • un agent d’accueil/secrétariat,
  • une CESF (accueil, orientation, accompagnement individuel selon le niveau de compétences socio linguistique de chaque participant et animation collective avec des participantes de l’atelier), - deux agents qualifiés et expérimentés (1,6 ETP) exclusivement affectés à la conduite de l’action,
  • une formatrice animatrice met en œuvre le programme pédagogique et évalue régulièrement les progrès participants.Les partenaires opérationnels sollicités complètent les ressources humaines nécessaires.

Les partenaires

Partenaires opérationnels

Pour construire son offre de formation, l’opération s’appuie sur les dynamiques territoriales, principalement sur les démarches du CEREGARD dont les missions sont l’accompagnement des porteurs d’actions à visée sociolinguistique du territoire de Nîmes Métropole, l’UTASI Uzège Gard Rhodanien, le conseil départemental du Gard.

Les acteurs du territoire participent à l’orientation et à l’accompagnement du public :

service territorial d’insertion et service social territorial du conseil général, mission locale, Relais emploi intercommunal, association locale sensibilisée (Yam Daabo) … Les partenaires sont également sollicités pour participer à l’apprentissage sociolinguistique vers l’autonomie citoyenne lors d’interactions pédagogiques thématiques : groupes de concertation lien social et emploi de la démarche citoyenneté solidarité, ateliers thématiques des réseau des métiers des Pays Gardois, CAF, la Carsat, association Résurgence Solidarité 30, épicerie sociale, atelier d’initiation informatique...Ces contacts et mises en situation soutiennent les objectifs de la formation et répondent aux besoins ou intérêts des participants. Ils ancrent les savoirs et préparent à une sortie positive de l’atelier socio-linguistique.

Ils financent l'action

Le ministère du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social soutient le projet à travers sa contribution au financement du contrat aidés pour la coordinatrice du projet.

Les observations du CCAS/CIAS

Les principes des ateliers socio-linguistiques, formation de proximité, contextualisée progressive et interactive, expérimentés dans les CCUS, s’adaptent particulièrement bien au contexte de la ruralité où les liens sociaux sont plus ténus.

Les espaces et partenaires pédagogiques sont aisément identifiés, la confiance est plus aisée, les contacts perdurent dans la vie quotidienne et se diffusent dans le voisinage et les familles. Le portage municipal via son CCAS de par sa nature institutionnelle et sociale renforce l’implication des intervenants et participants dans l’objectif d’intégration citoyenne. 

A l’inverse des petites associations, la capacité d’assumer les délais de trésorerie permet de solliciter plus facilement un cofinancement européen. L’ingénierie pédagogique de l’atelier mérite également d’être repérée. Il s’appui sur des dynamiques territoriales novatrices dès la conception et dans sa mise en œuvre.

L’initiative a pu rejoindre la démarche qualité des actions linguistiques à visée d’insertion de Nîmes Métropole co-animée par le CEREGARD (centre de Ressources départemental savoirs de base). Le CCAS a pu bénéficier d’un référentiel (charte qualité des ASL, d’échanges entre intervenants au sein d’un groupe de travail permanent et de journées d’approfondissement des pratiques).
Cette professionnalisation a fait évoluer les représentations (capacités des migrants adultes non scolarisés) et méthodes de travail (supports aux échanges, techniques d’animation).

Photo : Wikimedia Commons / Vi..Cult...

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