Aidants : entre solidarité choisie et précarité subie

Bien-vieillir
Publié le 12 novembre 2019
Dans une société européenne vieillissant de plus en plus, le nombre de personnes âgées dépendantes augmentera en conséquence dans les années à venir. Pour la Solidarité, think and do tank européen indépendant, s’intéresse dans une nouvelle publication aux solutions mises en place en Europe pour permettre aux aidants proches de concilier leur engagement auprès de leur proche avec leur vie privée et, lorsque c’est possible, leur emploi salarié.
Les aidants proches endossent un rôle crucial de soutien à des personnes âgées, handicapées ou dépendantes. Ces personnes, majoritairement issus de la famille de l’aidé, appelés « aidants familiaux », sont de plus en plus nombreuses en Europe. La Charte européenne de l’aidant familial les définit comme suit : « la personne non professionnelle qui vient en aide, à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ».

L’assistance des aidants auprès d’une personne dépendante de leur entourage consiste en une aide pour les soins informels : tâches quotidiennes, hygiène, transport, repas, suivi administratif, suivi de prise de médicaments, gestion des rendez-vous… Ajoutée aux soins formels prodigués par des professionnels de santé, cela constitue les soins de longue durée définis comme « un ensemble de services nécessaires aux personnes qui, en raison d’une réduction de leurs capacités fonctionnelles, physiques ou cognitives, sont, pendant une période prolongée, dépendantes d’une aide extérieure pour l’accomplissement des activités de la vie quotidienne. Dans cette nouvelle publication, Pour la Solidarité, étudie les dispositifs visant les aidants proches en Belgique, en France et en Allemagne : aides financières, droits sociaux, conciliation entre vie professionnelle et fonction d’aidant...

Dans l’Union européenne, environ 12 % des travailleurs et 16 % des travailleuses aident un proche au moins un jour ou plusieurs jours par semaine, cette situation augmentant avec l’âge (18 % des travailleurs et 22 % des travailleuses âgées de 55 à 65 ans). Quand il ne s’agit pas de personnes retraitées, plus de la moitié des aidants âgés de moins de 65 ans ont un emploi. Ces aidants sont estimés à 860 000 en Belgique alors qu’ils seraient plus de 8 millions en France. Ces aidants sont souvent les conjoints des personnes dépendantes, leurs enfants, beaux-enfants ou leurs parents. En Belgique, la moyenne d’âge d’un aidant est d’environ 77 ans dans le cas du conjoint de la personne aidée. Lorsque ce n’est pas le conjoint, cette moyenne baisse à 53 ans, correspondant plutôt à des enfants ou beaux-enfants.

Ce soutien multitâche quotidien représenterait, à l’échelle de la Belgique, l’équivalent de 150 000 temps plein, et le travail mensuel est estimé pour une valeur monétisée comprise entre 941 et 1 189 euros. L’aidant proche ne bénéficie pas de cette valeur monétaire certaine étant donné qu’il effectue ce travail le plus souvent gratuitement, sans qu’un salaire ou des droits sociaux ne soient formellement associés à cette fonction. Ce travail gratuit peut venir compenser le rôle que devraient remplir les autorités publiques ou les services subventionnés par elles. Les aidants doivent concilier leur emploi, leur fonction d’aidant ainsi que leur vie privée et leur vie familiale.

La Belgique et la France présentent des politiques plutôt mixtes en la matière tentant de faire en sorte qu’un travailleur puisse rester en emploi, même en cumulant sa fonction d’aidant alors que l’Allemagne mise sur une politique familialiste encourageant les aidants à se consacrer entièrement à cette fonction.

Les solutions financières dans les trois pays


Il existe en Belgique des prestations financières directement ou indirectement dirigées vers les aidants proches. Toutefois, elles consistent plutôt en une reconnaissance symbolique de leur fonction qu’un substitut de salaire.

L’allocation pour l’aidant proche est la seule allocation existante en Belgique directement dirigé vers ce public. Elle est disponible dans certaines communes et provinces en Flandre, où chaque commune décide des conditions d’accès et du montant de cette aide. En 2012, plus de 30 000 personnes ont pu bénéficier de cette allocation.

Des prestations versées directement aux personnes dépendantes peuvent également profiter aux aidants proches en étant, par exemple, reversées en partie à celui-ci :

  • L’allocation pour l’aide aux personnes âgées au niveau régional, destinées aux personnes de plus de 65 ans souffrant d’un handicap ou d’une maladie liée au vieillissement. Elle dépend du degré de handicap et des revenus.
  • L’assurance dépendance flamande destinée aux personnes gravement dépendantes. En 2006, 20 % de ses bénéficiaires l’ont utilisée pour indemniser un aidant proche.

En France, il n’existe aucune allocation spécifique destinée à l’aidant proche. Néanmoins, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à destination des personnes âgées dépendantes peut être utilisée pour indemniser l’aidant proche. Cela concerne 8% des bénéficiaires de l’APA. Les adultes en situation de handicap peuvent bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH) servant à couvrir les frais liés à la perte d’autonomie. Elle peut également être utilisée pour rémunérer un aidant, et augmentée si cet aidant réduit ou abandonne son activité professionnelle.

En Allemagne, deux types de prestations financières peuvent profiter aux aidants proches :

  • L’allocation versée aux personnes dépendantes, qui peut être utilisée par ces dernières pour indemniser en partie l’aidant proche ;
  • L’assurance dépendance ne versant pas directement d’argent aux aidants proches mais leur permettant un accès à des prestations.

L’accès à des droits sociaux


En France, dans le cas où il existe un contrat de travail reconnaissant l’activité entre l’aidant et la personne aidée, l’aidant proche d’une personne âgée dépendante n’ayant pas une activité salariée pourra bénéficier de cotisations sociales.

L’Allemagne mise plutôt sur une politique familialiste, encourageant les aidants à s’occuper à temps plein d’un proche, et, pour ce faire, elle se doit de leur garantir un maintien possible des cotisations durant cette période.

En Belgique, les aidants liés par un contrat à la personne aidée sont fort minoritaires. Cette aide est plutôt perçue comme une solidarité intrafamiliale. Les aidants proches au chômage peuvent néanmoins être exemptés de recherche d’emplois ou refuser une offre d’emploi, afin de pouvoir pleinement se consacrer à cette fonction.

L’aménagement du temps de travail des aidants


En Belgique, les aidants proches ayant également un emploi salarié peuvent bénéficier de congés sociaux payés : les congés pour assistance médicale ou des crédits-temps avec motif. Il est également possible d’utiliser d’autres formes de congés pour s’occuper d’un proche : les congés d’interruption de carrière, le passage à temps partiel ou en 4/5ème.

En France, trois types de congés sont mis à disposition des salariés pour concilier leur travail et leur rôle d’aidant : le congé de solidarité familiale, le congé de proche aidant, le congé de présence parentale.

Pour les aidants salariés en Allemagne, il est possible de bénéficier d’un congé sans solde ainsi que de mesures d’aménagement du temps et des horaires de travail.

Une situation à améliorer d'urgence


Après une interview d'AGE Platform Europe, la plateforme européenne regroupant des organisations des Etats membres militants pour les intérêts des personnes âgées, Pour la Solidarité conclut cette publication par un appel à mieux considérer et reconnaître le rôle des aidants, en veillant à ne pas leur faire endosser l’entière responsabilité de la prise en charge des personnes dépendantes.

C’est avant tout aux pouvoirs publics de favoriser le développement de services à la personne abordables, accessibles et de qualité délivrant une expertise professionnelle. A cette condition uniquement, le rôle d’aidant pourra être considéré comme pleinement choisi et non subi.

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