Bien que l’obligation de réalisation des ABS par les CCAS/CIAS n’ait pas été totalement abrogée, tel que cela avait été initialement annoncé suite au comité interministériel aux ruralités en septembre 2015, l’UNCCAS déplore grandement la nouvelle réglementation qui affaiblit le sens et la portée d’une démarche conçue à la base comme un outil de pilotage de l’action publique.
Plus qu’une version à minima de l’ABS, la refonte du décret ABS traduit une perte de sens de la démarche. En effet, ne rendre obligatoire de l’ABS que le seul diagnostic sociodémographique une fois par mandat est un contresens : plus que jamais, c’est sa dimension de veille sociale inscrit dans la régularité et d’outil de pilotage qui constitue un élément indispensable à la conduction des politiques publiques (surtout dans le contexte actuel de croissance et mutation rapide des besoins sociaux d’une part et de raréfaction des ressources publiques d’autre part). Cette dimension a été sacrifiée sur l’autel de la simplification des normes.
Consciente des écueils qui se posaient à sa réalisation (en particulier pour les petites et moyennes communes), et parfois du manque d’impact des ABS réalisées, l’UNCCAS avait souhaité profiter de la remise en question de la réglementation en septembre 2015 pour faire progresser la démarche d’ABS dans sa dimension politique et opérationnelle et faciliter sa réalisation dans les territoires.
Pour cela 3 points principaux avaient été portés lors de la concertation interinstitutionnelle qui avait eu lieu en décembre 2015 (suite aux interpellations de l’UNCCAS et en présence de l’AMF, de l’AdCF et du Ministère affaires sociales et Réforme territoriale) :
- Rappeler la finalité de la démarche : orienter les politiques sociales à l’échelon communal ou intercommunal ;
- Lui donner les moyens d’avoir un réel impact politique et opérationnel et pour cela :
- donner une assise plus solide à la dimension partenariale, essentielle à l’assise opérationnelle de la démarche
- favoriser les analyses thématiques plus propices à l’analyse partagée (préalable à la mise en place d’actions communes)
- renforcer le lien avec le Conseil municipal ou communautaire
- Alléger les attendus techniques qui pouvaient effrayer et décourager notamment les plus petites communes (revalorisant les approches qualitatives via notamment les entrées thématiques et l’analyse partagée).
L’UNCCAS avait donc proposé de faire de l’ABS une démarche pluriannuelle se déployant sur toute la durée du mandat municipal autour de rendez-vous annuels : après une première année consacrée à établir un portait social global de la commune ou de l’intercommunalité, et de ses caractéristiques sociodémographiques, les analyses auraient porté les années suivantes sur des études thématiques facilitant le croisement d’expertise avec les autres acteurs du territoires et l’établissement d’une feuille de route pour le CCAS/CIAS.
Exemple d’une démarche d’ABS envisagée dans ce cadre
1/ Quels sont les besoins potentiels du territoire ?
- 1er diagnostic sociodémographique montrant que le territoire est particulièrement marqué par le phénomène de vieillissement de la population.
2/ Sur quoi je veux travailler en priorité ?
- Choix de travailler l’année suivante sur une étude spécifique personnes âgées.
3 / Comment approfondir mon diagnostic ? Qu’est-ce qui existe déjà en termes de réponses, quel est l’état de l’offre locale pour ce public ou cette thématique ?
- Etablir un maping de l’offre sociale existante et mobiliser les partenaires repérés (services du CCAS/CIAS, de la commune ou de l’intercommunalité, gestionnaires équipements ou services, partenaires institutionnels, etc.)
- Mobiliser ces acteurs et approfondir avec eux le diagnostic : données complémentaires CARSAT, CPAM, services sociaux du CD, données de gestion sur les services PA du CCAS (aides facultatives, équipements, services, etc.), données des autres gestionnaires,
- Partage des données, croisement des analyses
- Préconisations : Que faut-il améliorer ? sur quoi faut-il mieux communiquer (dispositifs peu connus) ? que faut-il éventuellement mettre en place ?
4 / Comment peut se positionner le CCAS dans ce cadre (de la mise en place de nouvelles actions, à l’évolution de ses dispositifs, mais aussi simplement par une communication sur des dispositifs portés par d’autres acteurs…)
- Réflexion avec les partenaires, établissement d’une feuille de route validée par le CA du CCAS/CIAS (éventuellement lien avec le Conseil municipal ou communautaire)
Ainsi l’ABS retrouvait toute sa place d’outil de conception des politiques publiques et d’optimisation des dépenses (éviter les doublons, optimiser les dispositifs existants, n’intervenir qu’en cas de carence réelle sur le territoire pour répondre à un besoin, élaboration d’une offre sociale à partir d’un diagnostic partagé sur les besoins…).
Aujourd’hui, le risque est de réduire la démarche à une simple approche statistique car l’analyse partagée ne peut se déployer pleinement que via les analyses thématiques qui deviennent optionnelles. C’est justement cette stricte entrée quantitative qui décourageait un nombre trop important de communes de mener la démarche et qui en limitait parfois l’impact. Sous couvert de limiter les dépenses des collectivités, le nouveau décret au contraire présente le danger de renforcer les écueils d’une navigation à vue.