Le Kanata : un lieu de vie intergénérationnel proposant des logements adaptés au vieillissement

Publié le 1 octobre 2008

Elements clés

Contexte

Liffré est une commune de 6 800 habitants située au Nord de Rennes. La  communauté de communes du Pays de Liffré compte 15 000 habitants et regroupe 5 communes : Liffré, Ercé près Liffré, Chasné sur Illet, Dourdain et La Bouéxière. Elle a pris en janvier 2009, la compétence « maintien à domicile des personnes âgées » et confié cette compétence au CIAS du Pays de Liffré, créé à cette occasion. Le CIAS a en outre une compétence au niveau de la petite enfance jusqu’à la scolarisation. Enfin, il a pris en janvier 2010, la compétence « animation auprès des personnes âgées ». La commune de Liffré est étendue et comporte de nombreux hameaux isolés où vivent parfois en couple mais le plus souvent seuls, des adultes âgés bénéficiant de revenus modestes et logés dans des maisons souvent anciennes, trop grandes et qui se prêtent mal à des aménagements par ailleurs coûteux… Ces logements se prêtent également mal aux interventions des services d’aides et d’accompagnement à domicile, de soins à domicile ou encore à la HAD, entrainant de fait des hospitalisations qui pourraient être évitées… La perte progressive d’autonomie conduit ces personnes à se replier sur elles-mêmes faute de moyen de transport et/ou d’entourage. Il s’ensuit une perte d’autonomie plus rapide suivie d’une désocialisation mal vécue. Les demandes des personnes concernées, de leurs voisins, de leurs enfants ou petits-enfants portent sur la possibilité de reloger ces personnes dans des conditions financières accessibles et de permettre une continuité dans l’exercice de la citoyenneté voire simplement l’accès aux soins, aux services, aux commerces ou encore à la collectivité.

La commune via son CCAS a souhaité travailler à la mise en place pour ces personnes d’une solution de logement en centre-ville à proximité immédiate des lieux d’animation et de vie, en leur permettant de bénéficier des services optionnels de l’animation, du portage de repas, de la téléalarme, de l’aide à domicile et au besoin des soins ou de la HAD. Les objectifs opérationnels d'un tel projet étaient :

- améliorer la qualité de vie des personnes âgées actuellement logées à l’extérieur de la ville, en permettant d’accéder à un logement en centre-ville et rompre ainsi l’isolement, - favoriser au maximum tout ce qui peut contribuer à permettre à une personne âgée de conserver son autonomie : proximité des commerces, des lieux d’animation, des services publics, accessibilité des logements, aménagements de l’intérieur des logements, - valoriser et consolider les liens entre générations, - accompagner au mieux le vieillissement : maintenir à domicile aussi longtemps que possible (partenariat avec les services à domicile), tisser des liens avec la maison de retraite et dédramatiser l’entrée si nécessaire (animations communes, etc.). La poursuite de ces objectifs s’est accompagnée de l'ambition de placer les futurs utilisateurs au cœur de la démarche, de s’appuyer sur les compétences professionnelles, de rechercher l’efficacité et de tenter d’innover.

Description


Présentation de l'action


La mise en place de ce projet de création d'un lieu de vie intergénérationnel proposant des logements adaptés aux personnes en situation de vieillissement s'est appuyé sur une réunion publique animée par le maire de Liffré et l’adjointe au maire chargé de la solidarité et des affaires sociales, pour évoquer les besoins et souhaits de la population quant au logement des personnes âgées sur la commune. Cette réunion s’est tenue le 2 octobre 2008 et a réuni environ 70 personnes autour des élus liffréens et des acteurs locaux de la gérontologie, invités pour l’occasion. La réunion publique a permis d’annoncer le lancement de la démarche et de rappeler les objectifs affichés par l’équipe municipale. Une méthode participative a été proposée et a remporté d’emblée l’adhésion des participants. L’objectif de réfléchir à une solution alternative au maintien à domicile et à l’entrée en EHPAD a été arrêté par les participants. Les débats, animés, ont porté principalement sur le souci pour la plupart des adultes âgées présents de rester le plus longtemps possible chez eux, d’où la nécessité de concevoir des logements évolutifs répondant au besoin et dans de bonnes conditions l’intervention des services d’aide ou de soins à domicile, voire l’hospitalisation à domicile.

Une démarche participative La base du volontariat a également permis aux participants de cette réunion d’intégrer une commission extra municipale, composée de 15 personnes et regroupant des seniors, des acteurs du secteur gérontologique du Pays de Liffré et des élus de la Ville de Liffré. La commission s’est réunie à 4 reprises d'octobre 2008 à septembre 2009. Les échanges ont permis aux membres de la commission d'affirmer leur souhait de créer un lieu de vie sécurisant pour les personnes âgées leur permettant de rester à domicile le plus longtemps possible et en toute sérénité. La commission a élaboré un questionnaire destiné aux séniors et adultes âgés de la commune afin de recueillir leurs désidératas en matière de logements. 111 personnes ont répondu au questionnaire. Les retours de questionnaires indiquèrent qu'en grande majorité, les personnes sondées voulaient une structure intergénérationnelle, avec une partie réservée aux personnes âgées côtoyant des logements attribués à des familles et des logements disséminés dans un collectif. Elles souhaitaient des logements de type 2 ou 3 et voulaient être en centre-ville. Les commentaires notés sur ces questionnaires faisaient état d’une inquiétude sur la possibilité de financer un logement adapté compte tenu de la faiblesse des revenus.

Toutes les propositions de la commission extra municipale ont été retenues et la concertation engagée avec le promoteur immobilier a permis d’envisager : - une résidence comprenant 37 logements répartis sur 3 cages d’escalier et sur 3 niveaux (Rdc+2 étages) desservis par ascenseur ainsi que 3 commerces, - un ensemble construit sur un terrain de 3 525 m² situé au cœur de la ville et autour d’un espace vert d’environ 400 m², - le CCAS s’est portée acquéreur de 11 logements sur 37 soit 1 T1, 8 T2 et 2 T3, logements qui seront éligibles à l’APL, - la Ville s’est porté acquéreur d’une salle commune de 108 m² située au rez-de-chaussée et donnant sur le jardin, - la communauté de communes du Pays de Liffré s’est portée acquéreur d’une superficie de 193 m² pour l’implantation d’une crèche qui sera gérée par le CIAS du Pays de Liffré.

Une réflexion sur la qualité évolutive des appartements dédiés aux personnes âgées La qualité « évolutive » des appartements que souhaitent acheter le CCAS de Liffré a nécessité une réflexion autour des solutions existantes en matière d’adaptation de logements, suivant les besoins des locataires énumérés par la commission extra municipale, l’environnement constitué de la salle d’animation et de la crèche et les exigences du promoteur… La démarche participative appliquée par la commission extra municipale a été dupliquée pour définir les caractéristiques souhaitables des logements. Ainsi, un groupe de professionnels a été constitué autour de l’architecte choisi par le promoteur immobilier pour définir les caractéristiques principales des 11 logements réservés aux séniors et adultes âgés. Ce groupe a été composé de la responsable du CLIC, ergothérapeute de formation, de la conseillère en gérontologie, du médecin de gérontologie et des responsables des services à domicile (SAAD et SSIAD). Le groupe a travaillé sur l’adaptation des parties communes et sur l’ergonomie des logements, l’objectif étant d’avoir des logements évolutifs donnant la possibilité au besoin d’une prise en charge à domicile des adultes âgés par des services d’aide et de soins à domicile voire de faciliter une hospitalisation à domicile.

Les onze logements destinés aux adultes âgés sont tous situés dans la même cage d’escalier sur 3 étages. L’accès à cette cage d’escalier est aménagé : éclairage, sol permettant de repérer facilement les obstacles, paillasson encastré dans le carrelage, accès à l’ascenseur facilité pour les fauteuils, commande vocale de l’ascenseur, barre d’appui dans l’ascenseur, etc.

Les logements sont facilement aménageables en cas de difficultés dans la mobilité mais ne sont pas d’emblée aménagés comme pourraient l’être des chambres d’hôpital ou encore de lieux d’accueil collectif. Ils conservent par conséquent une apparence « classique » d’appartement fonctionnel et polyvalent : - une chambre et salle de bain agrandies pour permettre l’aide au lever ou à la toilette et l’éventuelle installation d’un lit médicalisé (pour la chambre), - la cloison entre la salle de bain et les toilettes est facile à supprimer (aucune gaine sur cette cloison), - les WC sont suspendus (surcoût de 480 euros HT par logement), - la douche facilite le transfert à partir d’un fauteuil et l’aide à la toilette (surcoût de 460 euros HT par logement), - le lavabo permet l’accès au fauteuil (handivasque), - les volets roulants sont électriques (surcoût de 630 euros par logement), - des fourreaux alarme ont été mis en place dans la chambre et la salle de bain permettant l’installation ultérieure d’une alarme (surcoût de 30 euros par logement), - les cuisines et salles de bain ont été aménagées avant l’entrée dans les lieux (pas de gaz, plan de travail facile, etc.), - les cuisines sont modulables en cas d’handicap (plan de travail adaptable en hauteur), - les couleurs des parties communes et des appartements sont compatibles avec la survenue de problème de vision. Les critères d’attribution des logements et accompagnement individualisé Le CCAS propriétaire et gestionnaire de ces logements a travaillé avec la commission extra-municipale afin de déterminer les modalités de sélection des futurs locataires et d’arrêter des critères de priorité des demandes. Ces logements ont été réservés aux adultes âgés résidant hors centre ville ou dont le logement n’était plus adapté au vieillissement ou à la perte d’autonomie. Le critère de rapprochement de la cellule familiale a également été pris en compte. A cela s’est ajouté un appauvrissement de certaines situations ne permettant plus le maintien dans le parc privé (conjoint en maison de retraite par exemple). Chaque candidature a fait l’objet d’un ou de plusieurs entretiens avec la responsable du CCAS, afin d’approfondir la motivation de la candidature, d’en connaître les obstacles éventuels, les atouts (soutien des enfants par exemple), etc. L'étude des candidatures s'est effectuée dès juillet 2010 par la directrice du CCAS. Chaque situation a été étudiée individuellement, que ce soit pour intégrer un logement au Kanata ou pour trouver une autre solution. Un accompagnement individuel de chaque locataire s'est effectué près d'un an avant l'entrée dans les logement et se poursuit encore aujourd'hui, de manière à garantir le bien-être de chaque résident. L’animation et l’utilisation de la salle commune La réflexion sur l’utilisation de la salle a été menée par le CCAS avec l’aide d’un groupe de travail composé du service animation du CIAS, de la maison de Retraite Saint-Michel, de l’Amicale Laïque et de l’association Familles Rurales. Ces deux associations proposent déjà à Liffré des activités accessibles aux personnes âgées. Il a défini un objectif commun d’animation : offrir au plus près des habitants une possibilité d’activité permettant de maintenir les capacités physiques et cognitives : - le service animation du CIAS propose ainsi des ateliers mémoire et de la gymnastique douce (encadrée par les animateurs de l’Office des sports), - des ateliers cuisine, en lien avec la maison de retraite (EHPAD St Michel) seront également proposés, - le service Animation proposera des activités communes « crèches/personnes âgées », notamment autour du jardinage, - l’Amicale laïque déplace dans cette salle ses activités tricot et scrabble, - l’association Familles rurales propose une activité cuisine tout public avec comme objectif : « comment manger mieux et à pas cher ».

Il est à noter que le dispositif d’accès aux loisirs, au sport et à la culture mis en place par le CCAS permet de lever l’obstacle financier chez les personnes aux revenus les plus faibles. La salle d’animation peut également être proposée à des associations, le soir, pour des réunions ou des activités ne comportant pas de risque de nuisances sonores. Elle est équipée d’une cuisine avec une plaque induction de deux feux, d’un four, d’un réfrigérateur, de la vaisselle pour 25 personnes, de tables et de chaises pour 25 personnes. Elle est accessible directement par les résidents sans passer par l’extérieur. De plus, elle est à disposition des résidents pour des repas de famille inconcevables dans les plus petits logements. L’intergénérationnel La crèche du Pays de Liffré accueille 20 enfants de 3 mois à 3 ans, depuis le 29 août 2011. Elle est située au rez-de-chaussée de l’immeuble. Tous les locataires peuvent voir, de leur balcon, le jardin de la crèche. Le projet social de la crèche est élaboré dans un esprit de solidarité intergénérationnelle, en lien avec l’animatrice du service animation du CIAS.


Moyens


Moyens humains : Le projet « Logements et salle d’animation » a plus particulièrement été pris en charge par le CCAS. Il s’appuie sur les compétences des professionnels qui ont participé à la définition du projet. Il s’appuie également sur les compétences techniques des représentants des services de la Ville de Liffré. Budget : 1 243 184 euros (acquisition du terrain, construction et aménagement). Près de 20 % de cette somme est apportée par le CCAS.

Partenaires opérationnels


L’EHPAD St Michel de Liffré, l’équipe gérontologique du secteur (CDAS de Saint Aubin d’Aubigné), le CLIC de l’Ille et de l’Illet, le conseil général d’Ille et Vilaine, la CRAM de Bretagne, l’association Vivre chez soi et son service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), portage de repas et téléalarme, le CIAS du Pays de Liffré.

Ils financent l'action


- La Caisse des Dépôts : prêt locatif social de 570 000 euros ; - CARSAT Bretagne : emprunt sans intérêts de 375 400 euros ; - La Fondation de France : subvention de 70 000 euros ; - La Ville de Liffré : subvention de 297 784 euros.

Bilan

Les logements ont été livrés le 20 mai 2011. Les cuisines modulables ont été installées en juin et les locataires sont entrés dans leurs logements le 1er juillet. Ils ont tous pu effectuer une visite de leur logement le 6 juin 2011.Le CCAS prépare à présent un outil d'évaluation pour mesurer l'impact de ce projet sur le vieillissement des personnes.

Points positifs L’intégration du projet dans la stratégie de développement de la commune Liffré travaille au réaménagement de son centre-ville et au maintien des commerces dans ce centre. L’implantation d’une résidence avec 1/3 de logements réservés à des personnes âgées contribue à conserver une animation dans le centre notamment sur les périodes de la journée où les actifs ne sont pas, pour beaucoup, sur la commune.

La mobilisation des partenaires et la participation des publics concernés.

La dimension du projet : l’implication de plusieurs collectivités et établissements publics donne une dimension intercommunale. La Ville de Liffré et son CCAS, la communauté de communes du Pays de Liffré via le CIAS ont travaillé en étroite collaboration avec les associations liffréennes susceptibles de proposer des activités accessibles aux personnes âgées, et qui ont accepté de délocaliser leurs activités au Kanata. Points négatifs L’originalité du projet - type de structure inconnue des services administratifs - a entrainé des difficultés et des retards pour l'obtention de prêts, du numéro de conventionnement permettant de faire bénéficier les locataires des APL et posé des problèmes pour le suivi du dossier par la Caisse d'allocations familiales.

L’accompagnement des personnes candidates : le changement était générateur d’angoisse pour grand nombre des personnes candidates à un logement au Kanata. Les entretiens individuels ont mobilisé beaucoup de temps et d’énergie. Le fait que la responsable de CCAS soit assistante sociale de formation a vraiment facilité ces accompagnements individuels.

Aménagement : malgré le travail effectué en amont, avant le démarrage du projet, il a été parfois difficile de faire respecter toutes les demandes d’aménagement auprès du promoteur.

Observations

Cette action s’inscrit dans le cadre  :

  • d'un projet territorial impliquant (plusieurs acteurs locaux, les partenaires concourant au maintien à domicile des personnes âgées).
  • d'une démarche participative : commission extra-municipale, questionnaire auprès du public concerné, réunions publiques.Toutes les personnes âgées qui ont fait une démarche d’information ou d’inscription auprès du CCAS ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé, soit pour déménager au Kanata, soit pour trouver une autre solution. Aucune demande n’est restée sans solution.

Cet accompagnement s’est effectué en impliquant les enfants quand ils étaient présents.

L’intérêt de proposer une formule de logements dits « classiques » tout en faisant en sorte que les conditions soient réunies pour un maintien à domicile le plus longtemps possible renforce le mérite du projet. L’aménagement des logements, la proposition d’animations de proximité où se côtoieront des personnes de générations différentes mais aussi des personnes âgées vivant à domicile et en établissement, la mise en place d’une veille régulière exercée par l’agent d’entretien  des parties communes, feront de ce lieu de vie un ensemble intergénérationnel sécurisant et adapté aux demandes de ses occupants.

Photo : Wikimedia Commons / Sylenius

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